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Au-delà des images : L’évolution des stéréotypes féminins dans les publicités
Omniprésente dans les médias et les espaces publics, la publicité est depuis longtemps critiquée pour son caractère sexiste. Si l’image des femmes y est fréquemment utilisée, la représentation de ces dernières demeure très stéréotypée. Les femmes y sont souvent instrumentalisées, pornographiées ou réduites au rôle de parfaite épouse, mère ou ménagère.
La publicité est omniprésente dans notre vie quotidienne. Allant des médias traditionnels (radio, télévision, presse écrite, affiche, cinéma…) aux nouveaux supports de communication (téléphonie mobile, internet…), on la retrouve tant dans les espaces publics que privés. En effet, selon Martial Pasquier, « la publicité est indissociable de notre société. Elle est à la fois le vecteur de nombreuses informations commerciales ou non, le lien entre un grand nombre d’entreprises et leurs clients et le véhicule des principales valeurs de consommation ». D’après plusieurs auteurs, son objectif principal est de modifier l’attitude des consommateurs à l’égard d’un produit ou d’une marque. Pour y parvenir, elle cherche à attirer le public vers le produit par divers moyens. D’où la forte présence des femmes dans la publicité.
Les stéréotypes féminins imprégnés dans les publicités
« La forte présence des femmes dans la publicité repose sur la nature même de la publicité qui joue sur trois désirs : le désir sexuel, le désir d’avoir une bonne estime de soi-même et le désir d’appartenir à un groupe ». C’est ce qu’affirme, en tout cas, M. Tisseron dans le Procès-verbal de l’audition sur « l’image des femmes dans la publicité » organisée par la Commission sur l’Égalité des chances pour les femmes et les hommes le 16 mai 2006 à Paris. Toutefois, si les images de celles-ci sont utilisées pour arriver à leurs fins, l’usage en fait donc l’objet de problématiques. Dans le contexte du texte « L'image de la femme dans la publicité », c'est le temps de réagir, il est souligné que : « Depuis toujours, la publicité constitue un véhicule privilégié d’images provocantes, de valeurs détournées ou encore de stéréotypes propres à une époque donnée ». Le texte avance effectivement que « la représentation des femmes dans la publicité reste très stéréotypée puisqu’elle se limite dans la plupart des cas au rôle de parfaite épouse, mère ou de femme objet. Dans la quasi-totalité des publicités, ce sont toujours des femmes qui sont occupées à vanter les mérites de produits ménagers ».
« Corps morcelé, formaté, chosifié, objectivé, femmes caricaturées, instrumentalisées, pornographiées ou réduites en super ménagères obsédées par la propreté, voilà les images qu’utilisent chaque jour, et de manière de plus en plus provocante, les publicitaires pour retenir l’attention des consommateurs et consommatrices ». Telle est la description des images des publicités faite par Francine Descarries dans l’article la publicité sexiste : Mise en scène de l’inégalité et des stéréotypes du féminin. Certes, la publicité doit influencer les comportements pour vendre. Et, pour arriver à séduire, tout en suscitant le désir, l’utilisation de l’image de la femme porte ses fruits. Néanmoins, que les stéréotypes féminins, alors qu’elles sont longtemps combattues dans la société, y soient encore présentes, ne fait pas des heureux (ses).
Dénoncer les publicités sexistes
Il est vrai que la publicité est une stratégie marketing. Cependant, elle est aussi l’un des agents de socialisation les plus puissants de la société, selon le mot de la spécialiste des médias Jean Kilbourne, soulignant même que c’est la publicité qui nous dit qui nous sommes, qui nous devrions être et comment trouver le bonheur. En d’autres termes, « […] omniprésente dans les médias et dans l’espace public, la publicité contribue à modeler les comportements sociaux à la plus grande satisfaction des entreprises annonceuses ». Par conséquent, elle a des répercussions sur l’individu et/ou sur l’ensemble de la société. Elle peut, entre autres, provoquer de l’insatisfaction, voire une mauvaise estime, chez certaines femmes par rapport à leur apparence qui ne se rapproche pas de l’idéal de beauté. En outre, elle peut faciliter les discours et croyances sexistes à l’égard des femmes.
Ces revendications ne datent pas d’hier. En 1979, le Conseil du statut de la femme (CSF) dénonçait la publicité sexiste en ce qu’elle reproduisait des préjugés à l’égard des femmes, à l’égard de leurs traits de caractère ou de leur rôle dans la société. Plus récemment, le 21 mai 2007, la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a publié un rapport. La rapporteuse Mme Gulsun Bilgehan y avance que « certaines publicités, souvent massivement diffusées, ont fréquemment recours à des images dévalorisantes et humiliantes des femmes ». Elle dénonce notamment « ces images de femmes objets, hypersexualisées, dépendantes, soumises ou encore violentées ». Malheureusement, malgré les luttes visant à remédier à ces dérives, les publicités continuent à être imprégnées de stéréotypes sexistes. Or, dans ce même rapport, les stéréotypes sexistes sont définis comme « toute présentation (langage, attitude ou représentation) péjorative ou partiale de l’un ou de l’autre sexe, tendant à associer des rôles, comportements, caractéristiques, attributs ou produits réducteurs et particuliers à des personnes en fonction de leur sexe, sans égard à leur individualité. La partialité et le dénigrement peuvent être explicites ou implicites ».
Où en sommes-nous en Haïti ?
Alors que des pays cherchent à réglementer les publicités pour anticiper et éviter toute dérive de ce genre, il y a un vide juridique concernant ce secteur. D’après AyiboPost, le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes a condamné, dans une note rendue publique, le 11 décembre 2017, une affiche de publicité qu’il estimait « dévaloriser l’image et le corps de la femme ». Par la suite, les panneaux publicitaires indexés étaient enlevés dans les rues. Pourtant, ce n’est qu’un cas parmi d’autres ou les femmes sont exposées de manières dévalorisantes dans les publicités, que ce soit dans les médias ou dans les rues. En tout cas, toujours est-il que le respect de la dignité humaine et des bonnes mœurs doit/devrait être respecté, voire exigé, dans toute publicité. Espérons que cela soit pris en compte par les instances concernées en Haïti.
Leila JOSEPH
Sources :