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Bénévolat, oui, mais jusqu’à quand ?
Aussi avantageux puisse être le bénévolat, il faut savoir quand s’arrêter ». Après vous avoir permis de faire vos débuts dans le monde professionnel, arrive un moment où effectivement, vous devez commencer à mettre un prix sur votre travail. C’est ce que pensent, en tout cas, beaucoup de jeunes ; un avis qui, cependant, ne fait pas l’unanimité.
Oui, le bénévolat offre de nombreux avantages. En prenant cet engagement altruiste, vous gagnez certainement beaucoup, et sur le plan personnel, et sur le plan professionnel. D’ailleurs, c’est avec l’expérience bénévole que de nombreux jeunes font leurs débuts. C’est là qu’ils acquièrent des compétences et de l’expérience. Les profits que génèrent ces activités sont sans nombre, que ce soit en termes de réseautage, de développement personnel, d’opportunités, etc. Toutefois, il n’est un secret pour personne que la rémunération ne sera pas au rendez-vous. Cela dit, « aussi avantageux puisse être le bénévolat, il faut savoir quand s’arrêter ». C’est ce que pense, en tout cas, Sabine (nom d’emprunt), jeune professionnelle qui a passé trois années de sa vie à faire du bénévolat. Certes, elle reconnaît les innombrables bienfaits de cet engagement dans sa vie toutefois « à un moment donné, il va falloir mettre un prix sur vos travaux », clame-t-elle. Ce qu’elle a pris du temps à réaliser.
Les préconçus sur les travaux bénévoles
« Malheureusement, en tant que professionnel, faire du bénévolat à tort et à travers peut avoir un impact crucial sur la perception donnée au travail », explique t-elle. Celle-ci critique des structures qui versent une importante somme à des professionnels pour des travaux qu’ils demandent à des jeunes bénévoles de faire gratuitement. Or, « donner des services gratuits constamment peut empêcher le professionnel en question de mettre un prix sur ses travaux à l'avenir ». Si elle partage un tel avis, c’est qu’elle a elle-même vécu la fâcheuse expérience. A force de prendre l’habitude de donner des services gratuits, elle dit avoir été mal vue quand elle commençait à demander une rémunération. « J’étais qualifiée d’ingrate, de prétentieuse, d’arriviste… quand j’exigeais un paiement pour mes travaux alors que ces mêmes services étaient considérablement rémunérés quand il s’agissait d’un autre professionnel ».
Pire encore, « si vous aviez des antécédents de bénévole, il est fort probable que le prix qu’on mette sur votre travail ne soit jamais le prix de sa valeur réelle », affirme-t-elle. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussée à commencer à exiger une rémunération. « Une fois, j’ai été surprise d’apprendre que quelqu’un me demandait de faire un travail gratuitement alors qu'il donnait une forte somme à un autre professionnel pour le faire. Je me suis sentie diminuée et cela m’avait anéantie », confesse Sabine. Le constat allait se confirmer quand elle a commencé à monétiser ses services. Selon elle, son travail était sous-évalué par rapport à un autre qui le faisait en échange d’une rémunération. « C’est comme si on vous disait que vous qui faites le travail en tant que bénévole, vous êtes en mode training. Alors que l’autre qui est payé sait ce qu’il fait », estime-t-elle. D’ailleurs, « du fait même que le prestataire de services exige de l’argent, il peut-être perçu comme plus qualifié et plus compétent que vous aux yeux de l’employeur », ajoute-t-elle.
Un engagement à vie ou pas !
Tant de raisons peuvent inciter des gens à cesser de faire des activités bénévoles. Quand ils constatent que leur travail est déprécié, beaucoup décident d’exiger une rémunération. Cependant, toujours est-il que certains leaders ne donnent aux jeunes qu’un montant loin de correspondre à la juste valeur du travail. Pourtant, ils sont beaucoup à construire leur fortune en abusant des compétences et de la naïveté de ces derniers. Quand ce sont des étudiants particulièrement, ils sont perçus comme des débutants qui ont encore beaucoup à apprendre. Ce qui n’est pas faux. Toutefois, des leaders profitent souvent de ces jeunes expérimentés, les demandent de faire gratuitement des travaux qui auraient pu être payés. Et, quand ils leur donnent une gratification, c’est à un moindre coût. Pourtant, ces jeunes sont majoritairement instables financièrement.
Aucun testament d’Adam ne décrit le bénévolat comme un engagement à vie. Que des jeunes veulent y mettre fin, cela se comprend. Plusieurs raisons peuvent impliquer une telle décision. Trop de mauvaises expériences, que ce soit avec des leaders ou les structures elles-mêmes. Les priorités peuvent changer, ce qui concerne surtout ceux dont la situation de vie a évolué (augmentation de responsabilités, nouveau travail, mariage, enfant,...). Pour plus d’un, cesser le bénévolat était planifié d’avance puisque c’était un moyen de se lancer sur le marché. Du coup, une fois avoir accumulé les expériences, ils cherchent automatiquement des opportunités d’emploi, quitte à mettre fin à leur engagement. D’autres mettent fin à leur engagement dès que leurs objectifs sont atteints. Il peut s’agir d’un carnet d’adresses assez rempli, d’acquisition de compétences comme de développement personnel. Toutefois, la décision de mettre fin au bénévolat dépend de la vision des choses et des objectifs de la personne en question, pense Djenny-Flore Bien-Aimé, fondatrice de l’Association des Acteurs de Développement (AAD).
Le bénévolat : Du gagnant-gagnant
Pour sa part, elle compte arrêter de faire du bénévolat au niveau national pour prioriser ses expériences bénévoles au sein d’organisations internationales. Elle a pourtant accumulé beaucoup d’expériences avec des organisations à l’échelle nationale. Toutefois, elle a pris la résolution de mieux sélectionner les formations et activités auxquelles elle allait participer. « Cette année, toutes les formations suivies et toutes mes expériences bénévoles étaient minutieusement choisies en fonction de la carrière que je veux construire », confie-t-elle à Banj Media. « Je me retrouve dans les valeurs prônées par les Nations-Unies, notamment à travers leurs Objectifs de Développement durable », confesse-t-elle. C’est pourquoi elle entend faire plus d’expériences dans des structures internationales qui prônent les mêmes valeurs jusqu’à bâtir sa carrière dans ce secteur. D’ailleurs, quand les institutions et organisations des Nations-Unies recrutent, elles demandent toujours si vous aviez déjà participé à leurs activités. Et, elles valorisent les expériences bénévoles.
« Je suis même prête à leur offrir mes services gratuitement s’il le faut », fait-elle savoir, voulant faire le maximum d'expériences possibles. « Beaucoup intègrent même ces structures en tant que bénévoles afin de bénéficier d’autres opportunités parce que ceux qui ont des précédents dans leurs organisations sont souvent mis en priorité », ajoute-t-elle. Par ailleurs, Djenny-Flore explique que beaucoup de jeunes ont pu bénéficier d’autres opportunités grâce au bénévolat. Elle parle de ceux qui ont pu être admis à des fellowship, des fullbright et des universités étrangères. de bourses d’études. « Certains pays valorisent considérablement le bénévolat. C’est pourquoi ils consacrent même un espace dans leurs formulaires ou leurs modèles de CV pour les activités parascolaires et activités bénévoles », fait-elle savoir. De ce fait, « ne cessez pas vos expériences bénévoles tant que vous n’avez pas encore atteint vos objectifs », partage-t-elle. De son côté, Sabine conseille : « Faites du bénévolat ! Acquérez les compétences et objectifs ! Faites-vous connaitre dans le domaine ! Et, ensuite mettez un prix (et pas les moindres) sur vos travaux ! »
Leila JOSEPH