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Beaucoup de gens ont aujourd'hui des séquelles psychologiques qui découlent des mauvais propos émis sur leur corps depuis l'enfance. Les conséquences sont néfastes et nombreuses tant pour la personnalité de ces derniers que pour différents aspects de leur vie. A en croire le psychologue Samuel Jean-Baptiste, si les maux sont considérables, il y a aussi de grands remèdes.
Si le body shaming est parfois pratiqué de manière désinvolte, il peut pourtant provoquer des blessures profondes. Et, ces dernières surviennent fort souvent depuis l’enfance. En effet, recevoir des remarques sur son corps quand on est enfant ou adolescent est assez courant. Toutefois, c’est un phénomène préoccupant quand il s’agit de commentaires négatifs, moqueries et jugements. Qu’ils proviennent de la famille, de camarades de classe ou de personnes moins proches, ils peuvent impacter la vie et l’avenir du sujet. D’ailleurs, « l’enfance est une étape importante dans la construction de la personnalité d’un individu, et en particulier l’adolescence qui est une période très fragile », fait savoir Samuel Jean-Baptiste, psychologue interviewé par Banj Media. Du coup, les remarques négatives que l'enfant reçoit sur son corps peuvent l’affecter dans tous les domaines de sa vie (future).
« Les membres de ma famille critiquaient toujours mon apparence physique », confie Maria, une jeune fille de 21 ans, dans un interview accordé à Banj Media. « Ils ne cessaient de me comparer à mes autres sœurs en disant que j'étais la moins belle », explique t-elle. Pour Maria, les remarques blessantes allaient surtout vers sa corpulence jugée trop petite, ses cheveux trop courts et ses dents qui n'étaient pas alignées. La jeune fille explique que cela l’affectait à un point tel qu’elle se sentait toujours seule et mise à l'écart. De plus, elle avait très peu confiance et estime pour elle-même. Ce qui confirme les dires du psychologue : « Le body shaming sur un enfant peut l’affecter sur le plan psychologique, ce qui renvoie notamment à affecter sa confiance en soi ainsi que son estime et son image de soi »
Selon M. Jean-Baptiste, l’enfant prend en compte les perceptions d’autrui quand il construit son image de soi. Cela dit, « les figures significatives comme les parents et les proches, peuvent tout aussi contribuer ou empêcher l’enfant de développer une bonne estime de soi », dit-il. Lorsque les retours sont souvent négatifs, « l’enfant a tendance à éviter les autres, à rester cloîtré dans son coin et même à éviter des activités récréatives et festives où, par exemple, il devra se vêtir ou se mettre au devant de la scène ». C’est le cas de Maria. « J’avais tellement d’insécurités concernant mon apparence physique que je n’étais pas à l’aise dans les activités festives, je détestais les journées de couleur », raconte t-elle sur un ton triste. D’autant plus que « je ne pouvais pas m’habiller à mon aise comme les enfants de mon âge. Mon père se moquait de moi quand je mettais des pantalons, il estimait que j’étais trop maigre pour en porter ».
Des années plus tard, alors que Maria devient une jeune femme, elle lutte encore avec ses complexes. « Je n’aimais ni sourire ni parler, encore moins devant la caméra, de peur qu’on ne remarque mes dents non alignées », raconte-t-elle. Cependant, dans sa perspective de travailler sur elle-même, elle raconte avoir participé à un challenge sur les réseaux sociaux où elle devait parler dans une vidéo. Malheureusement, l'expérience a été néfaste. « Un ami avait vu la vidéo sur les réseaux et m’a envoyé une capture d'écran pour me dire qu’il ignorait si j’avais une si mauvaise denture. Il m’a conseillé de me rendre à l'hôpital pour gérer cela », confie-t-elle. « Ce commentaire a eu l’effet d’une douche d’eau froide sur moi. Cela m’a beaucoup perturbé. J’ai passé des jours à pleurer et j’ai supplié l’auteur du challenge d’enlever la vidéo ».
En fait, les mots sont si puissants que les commentaires peuvent provoquer des conséquences graves chez le récepteur. Suite à un jugement négatif, informe le psychologue, la personne peut plonger dans une profonde tristesse jusqu'à avoir des tendances suicidaires. Ce qui peut arriver surtout quand la personne ne se sent pas aimée ou ne se sent pas bien dans sa peau. Néanmoins, nombreux sont ceux qui essaient tant bien que mal de faire face à ces remarques quoique fréquentes. Cela demande un travail constant qui malheureusement n’est pas toujours évident. « Je fais des efforts quotidiens pour me booster mais il y a toujours ces gens qui lâchent des commentaires qui me font ralentir la course ou me font tout simplement revenir au point de départ » , déplore Maria. Elle rejoint ainsi Fabienne, âgée de 25 ans, dont la famille critiquait toujours le corps car elle était maigre durant son enfance.
« Certes, en grandissant, j’ai travaillé sur mon corps afin de me mettre en forme, quitte à faire du sport ou à changer mon alimentation. Cependant, dès que je suis stressée, déprimée ou malade, j’ai tendance à perdre du poids » partage Fabienne. Et, les gens ne prennent pas toujours la peine de réfléchir au poids de leurs mots avant de les prononcer. « Certains me voient et me disent : Tu es maigre, il faut manger. Fais un effort ! » comme s'il ne pouvait s'agir que de nourriture. « Pourtant, je traverse parfois des moments difficiles qui ont des répercussions sur mon apparence physique. Et, ces commentaires négatifs ne font que rajouter à ma souffrance », confie-t-elle encore. A ce propos, le psychologue fait savoir que l’on peut toujours aborder la personne si l’on constate qu’elle n’est pas en bonne forme, selon son apparence physique, toutefois il y a une façon de le faire. Fabienne le confirme. « Si quelqu’un constate que cela ne va pas et vient me demander de mes nouvelles, je ne l’aurais pas mal pris. C’est une question d’éducation ».
Marthe fait face à cette même situation de manière constante. Étant anémiée, elle a une apparence assez frêle, ce qui suscite beaucoup de commentaires blessants. « Je me rappelle que quelqu’un m’avait dit, une fois, qu’il irait voir un médecin s’il était à ma place parce que je semblais être à un pas de la mort. Ce commentaire m’a énormément blessé », confie-t-elle. En fait, il s’agit aussi d’une forme d’intolérance, selon le psychologue. « Chacun diffère de l’autre, vous ne pouvez donc pas exiger que l’autre soit comme vous pour être beau/belle. Pourtant, à force de promouvoir les idéaux de beauté, vous causez des dégâts chez les gens », estime M. Jean-Baptiste. A titre d’exemple, il parle de ceux qui ont du mal même à s’épanouir dans certaines activités de peur de recevoir des critiques sur leur corps.
Certains développent même des troubles à cause des perceptions des autres. La dysmorphophobie, par exemple, est un trouble mental caractérisé par une préoccupation démesurée concernant un défaut ou une imperfection de l’apparence physique. Ayant subi le body shaming, quelqu’un peut même manifester ce trouble qui, à son tour, peut favoriser d’autres troubles liés à la conduite alimentaire. M. Jean-Baptiste prend un exemple assez fréquent. Si la personne est grosse, il a la phobie de prendre plus de poids, il peut développer une anorexie mentale ou nerveuse. Il peut chercher à perdre du poids de manière intentionnelle en ne mangeant pas, par exemple. D’autre part, des personnes maigres développent parfois la boulimie à force de manger constamment afin de gagner du poids.
En somme, nous sommes des êtres humains en développement selon le mot du psychologue. En ce sens, nous sommes construits à partir des jugements, commentaires, propos et traitements reçus dès le plus bas âge. Par conséquent, il convient de construire les enfants selon ce que nous aimerions qu’ils deviennent à l’âge adulte. Par ailleurs, ces personnes qui ont grandi avec ces cicatrices laissées par le body shaming ont un travail personnel à exercer sur elles-mêmes. Pour ce faire, elles peuvent s’adonner notamment à des activités pouvant renforcer leur estime de soi. Elles doivent s’entourer de gens pouvant les aider à développer une bonne image d’elles-mêmes. Tout au plus, des personnels psychologiques peuvent les aider, à travers des séances thérapeutiques et psychothérapeutiques entre autres, à maximiser leurs forces, leurs capacités, leur potentiel… en gros, leurs atouts.
N.B. : Les noms utilisés dans l’article sont des noms d’emprunt sauf celui du psychologue.
Leila JOSEPH