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Enfants Influenceurs : Les enjeux de la célébrité précoce
Les enfants influenceurs émergent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’une véritable industrie rentable pour les parents qui accumulent beaucoup de profits. Toutefois, cette activité, quoique avantageuse, peut se faire au détriment des enfants en question.
Les enfants sont de plus en plus exposés à travers les médias sociaux, particulièrement les réseaux numériques. Acteurs, mannequins, artistes… Ils sont beaucoup à effectuer des travaux rémunérés sur ces plateformes. Actuellement une nouvelle industrie émerge à pas de géant : Les enfants influenceurs. Appelés kidfluencers en anglais, ce sont des enfants suivis par de nombreux abonnés et de spectateurs sur les réseaux sociaux. Beaucoup grandissent avec des personnalités publiques comme parents, donc des influenceurs. Et, ces derniers profitent fort souvent de leur célébrité pour mettre leurs enfants sous les feux des projecteurs. Certes, la fierté est le mobile de la pratique de plus d'un. Toutefois, il faut souligner que cela devient une véritable source de revenus pour de nombreux parents.
A parent influenceur, enfant influenceur
Selon une étude de l’Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique, plus d’un parent sur deux (53%) ont déjà partagé le contenu de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Parmi eux, 3% sont des parents influenceurs. Ces derniers bénéficient de cadeaux, de promotions voire une rémunération, en lien avec leurs publications. En effet, beaucoup d'enfants influenceurs permettent à leurs parents de s'enrichir notamment grâce aux contenus sponsorisés. Ils sont aussi nombreux à faire de la publicité pour des produits ou services. Si la plupart des plateformes exigent un âge minimum pour que les mineurs puissent y créer un compte, les enfants-influenceurs détiennent un compte créé et géré par leurs parents.
Filmés au quotidien, ces enfants sont des stars du web. Pour alimenter leur compte, leurs parents capturent et partagent des détails et images depuis leur sphère privée. L'enfant qui mange, prend son bain, chante, danse, joue… Enfin, tout ce qui peut être attrayant, mignon aux yeux des followers et provoquer le maximum de réactions. Ce qui surtout leur permettra de tirer profit. Les kidsinfluenceurs les plus performants gagnent jusqu'à 26 millions de dollars par an en publiant du contenu sponsorisé et en monétisant l’espace publicitaire sur leurs pages de réseaux sociaux (Masterson, 2020).
La poule aux oeufs d’or
Pour beaucoup de parents-influenceurs, tout est à gagner. Ils sont comme la poule aux œufs d’or. Car, avoir un enfant star des réseaux sociaux est très avantageux. En plus de leur permettre de gagner de l'argent, la plupart estiment que l'enfant sort à tous les coups bénéficiaire. Il découvre très tôt le monde de l'entrepreneuriat et des Affaires. Il a déjà “un travail” qui lui rapporte beaucoup d'argent. Il est aimé, admiré, chouchouté par de nombreux followers dont d'autres enfants. Ce qui peut renforcer son estime de soi. Et, quand il grandit, il acquiert très tôt des capacités favorisant la création de contenus. C'est à partir de là que beaucoup y découvrent des talents etc. Et, ils trouvent aussi beaucoup d’opportunités. Toutefois, il y a quand même un hic.
Etant donné que les kidfluenceurs n’ont aucun droit légal à ces revenus ou à des conditions de travail sûres, le risque d’exploitation est extrême et immédiat (Masterson, 2020). En effet, les activités de ces enfants, quoique générant des revenus, ne sont pas considérées comme un vrai travail. Le fait est qu’il n’y a pas de rapport patron-employé. De plus, les enfants ne font que des activités normales de leur quotidien se déroulant dans leur cadre privé. Et, les parents se contentent de filmer et de poster. Il devient donc difficile de réglementer ces activités et d'éviter tout risque d'exploitation. Cependant, cette pratique peut être considérée comme une forme d’enrichissement illicite car les parents acceptent que l’image de leur enfant soit utilisée à des fins publicitaires (Wong, 2019).
Les risques avec les kidfluencers
Pour la plupart des parents, influenceur n’est qu’un passe-temps et non pas un acte professionnel. Or, cette activité nécessite la création de contenus, ce qui peut “manger” le temps des parents ainsi que des enfants. Cela requiert évidemment un temps de préparation des contenus eux-mêmes, et des enfants. Et, se faisant à la maison, ce travail aurait difficilement un horaire fixe. L'étude de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique montre que chaque photo ou vidéo publiée nécessite jusqu'à une heure de préparation pour 60% des parents influenceurs. Six sur 10 confessent avoir besoin de tourner de deux à 10 prises avant de publier le contenu sur les réseaux sociaux. Et, quatre parents influenceurs sur 10 assurent que ce temps de publication n'empiète pas sur le temps de repos, des devoirs ou des loisirs de leurs enfants.
Cependant, n’étant pas protégés par la loi du travail, les enfants peuvent non seulement ne pas avoir accès à de bonnes conditions de travail, mais aussi au revenu. Et donc, quand il grandit et atteint une certaine maturité, il peut même décider de poursuivre ses parents en justice. Outre la question de temps et d’argent, les droits des enfants peuvent être atteints par les parents eux-mêmes. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant met l’accent sur la vie privée et les droits de la personnalité des enfants. Elle précise que les enfants ont droit au meilleur développement possible, au respect de leur vie privée et de leur dignité. Sous ce jour, les filmer dans des moments intimes ou dans des positions embarrassantes sans leur consentement peut s’inscrire dans la violation de leurs droits.
Un être à part entière
Avoir de l’influence sur les réseaux sociaux dès son jeune âge peut profiter autant qu’elle peut nuire à l’enfant. Le parent se doit de se rappeler que son rejeton est une personne à part entière. Certes, à un certain âge, l’enfant ne peut pas donner un consentement légal. Il revient à ce moment aux parents de choisir pour eux. Toutefois, ces derniers doivent tenir compte, voire respecter, leur opinion, leur volonté et leurs droits. Aussi doivent-ils veiller à ne pas instrumentaliser leurs enfants. Autrement dit, à les utiliser pour satisfaire leurs propres intérêts. De plus, l’enfant, à son jeune âge, demeure fragile et vulnérable.
L’exposition sur les réseaux sociaux, qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant, est problématique. Certains peuvent subir des préjudices physiques et psychologiques à cause du manque de réglementation sur les réseaux sociaux (Masterson, 2020). Être suivi par de nombreux followers, c’est aussi être suivi par des inconnus. Parmi eux : des personnes malveillantes qui, grâce aux informations privées que vous postez, peuvent nuire à votre sécurité. D’autres peuvent alimenter le cyberharcèlement et/ou la cyberintimidation contre les enfants. C’est pourquoi des parents choisissent de ne pas montrer le visage de leurs enfants en ligne pour éviter les remarques blessantes et commentaires haineux. Ce qui peut affecter l’estime de soi du mineur. En tout cas, les parents de kidfluencers ont intérêt à peser le pour et le contre. Ainsi pourront-ils anticiper les risques et jouir des profits sciemment.
Leila JOSEPH
Sources :
Masterson, M.A. (2020, May 11). When Play Becomes Work: Child Labour in the Ear of ¨Kidfluencers¨. University of Pennsylvania Law Review, Forthcoming. URL : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3650376
Wong, J.C. (2019, April 24). ¨It´s not play if you’re making making money: How Instagram and YouTube disrupted child labour laws. Kidfluencers´ are earning millions on social media, but who owns that money?¨ URL : https://www.theguardian.com/media/2019/apr/24/its-not-play-if-youre-making-money-how-instagram-and-youtube-disrupted-child-labor-laws