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Haïti : la quête inachevée de la justice sociale
Ce mardi 20 février 2024 marque le quinzième anniversaire de la célébration de la Journée mondiale de la justice sociale. Cette date a été retenue en assemblée générale lors d'un sommet mondial des Nations unies pour le développement social le 26 novembre 2007. Étant membre fondateur de l'ONU, Haïti demeure toujours un pays où l'injustice sociale règne en maître.
Chaque année, l'ONU profite de la Journée mondiale de la justice sociale pour organiser des moments de réflexion sur la justice sociale à travers le monde. C'est aussi un moment pour l'ONU de rappeler aux gouvernements leurs engagements pour améliorer la qualité de vie de leurs peuples en éradiquant la pauvreté et le chômage, entre autres. Puisque, lors de ce sommet, les pays présents avaient fait la promesse de travailler en faveur de la justice sociale qui, d'après eux, est indispensable à l'établissement et au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde.
Qu'est-ce qu'on entend par justice sociale ?
D'après l'Organisation des Nations Unies (ONU), la justice sociale est basée sur l'égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde.
Valentina Sincère, une licenciée en droit, soutient que dès lors qu'il n'y a pas de justice sociale, il faut parler de violation des droits humains. De son côté, Wilner Lindor, un étudiant finissant en travail social, pense que la justice sociale peut être instaurée en Haïti si et seulement il y a une redistribution des richesses.
Haïti, un pays miné d'inégalités sociales
La justice sociale est par définition axée sur l'égalité des droits, la répartition équitable des richesses, entre autres. Pourtant, dans le quotidien haïtien, l'inégalité dont montre le système est de plus en évidente et impressionnante.
Dans un rapport publié par la Banque mondiale, Haïti est toujours classée comme le pays ayant le plus d'inégalités de l'Amérique latine. Près de 64 % du revenu total du pays est resté concentré entre les mains de seulement 20 % de la population haïtienne. Par ailleurs, la quasi-totalité de cette même population croupit dans la misère extrême. De cette situation résulte alors une société empreinte d'inégalité. Inégalité qui, selon l'ONU, n'affecte pas uniquement le pouvoir d'achat, mais aussi l'espérance de vie, l'accès aux services sociaux de base, entre autres. Les fortes disparités au sein des sociétés fragilisent le développement en entravant le progrès économique, en portant atteinte à la démocratie ainsi qu'à la cohésion sociale.
La détérioration du climat sécuritaire à Haïti ces dernières années est la preuve que l'inégalité dans un pays influe fortement sur la paix et la cohésion sociale. En effet, durant le début de l'année 2024, Haïti s'est davantage enfoncée dans une situation chaotique caractérisée par une insécurité endémique et généralisée. En l'espace d'à peine un mois, les statistiques du Haut Commissariat de l'ONU indiquent qu'au moins 806 personnes tuées, blessées ou kidnappées et environ 300 000 déplacés ont été recensées. De plus, chaque jour, des cas de kidnapping, de violences, de viols sont enregistrés par les autorités. Les responsables de cette entité de l'ONU se montrent inquiets par rapport à la détérioration de la situation des droits humains. De plus, il y a une forte augmentation du nombre de personnes privées des services de base et essentiels, entre autres le logement, l'eau, la nourriture, les soins de santé, etc.
Lors de la précédente journée mondiale de la justice sociale datant de l'année 2023, le protecteur du citoyen haitien Renan Hédouville, au nom de l'Office de la protection du citoyen et de la citoyenne (OPC) disait déjà être préoccupé par la situation d'insécurité et de violence qui rendait beaucoup plus vulnérable la population haïtienne. Une année plus tard, cette quête de justice sociale demeure inaccessible puisqu'aucune résolution n'est prise pour la rendre possible. Livrés à eux-mêmes, les citoyens haïtiens vivent quotidiennement la peur au ventre avec l'inquiétude comme principale compagnie. Entre l'incertitude, la dégradation de l'économie, la fermeture répétée des établissements scolaires, les territoires perdus ainsi que les bals perdus, la population haïtienne est aux abois. Tout ceci est donc l'expression même de nombreuses et constantes violations des droits humains que connaissent lesdits citoyens. C'est ce qui fait que « la justice sociale » que prône l'ONU depuis quinze ans est loin de respecter en Haïti.
Le chemin qui mène à la justice sociale est tracé
Haïti a signé un ensemble de traités et de conventions internationales relatifs aux droits de l'homme. En dépit de cela, les droits des Haïtiens ne cessent d'être bafoués.
« L'article 19 de la constitution de 1987 stipule que l'État haïtien est le garant des droits de chaque citoyen », rappelle Lindor. En effet, il existe de plus, plusieurs institutions publiques qui ont pour mission d'assurer la justice sociale dans le pays. Parmi ces organismes, on trouve le Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST) et ses autres institutions de tutelle : Caisse d'Assistance Sociale (CAS), Fond d'Assistance Sociale et Économique (FAES), Institut du Bien-être social et de recherches (IBESR), etc. Pourtant, rien de ce qui concerne la justice sociale n'est pris en compte par lesdites institutions. Une négligence que dénonce Wilder, l'étudiant finissant en travail social de l'université d'État d'Haïti.
Source de l'injustice sociale en Haïti
Les deux personnes interviewées par la rédaction de Banj Média se retrouvent en affirmant que normalement, l'État haïtien est le principal gardien de la justice sociale. Selon leur dire, chaque compatriote haïtien devrait avoir la possibilité de jouir de ses droits fondamentaux, comme il est stipulé dans la Constitution haïtienne et les conventions internationales qu'Haïti a ratifiées.
« Malheureusement, l'État haïtien s'est mis au service d'une frange de la population ». En effet, depuis l'indépendance, ce sont uniquement les nantis qui continuent à profiter de la largesse de l'appareil étatique. Ils détiennent une écrasante majorité de la richesse du pays. Par conséquent, l'extrême pauvreté s'est installée dans le camp d'une forte partie de la population, déplore Wilner.
Une tendance à ne pas recourir à la justice
En somme, selon une découverte faite par le sociologue haïtien, Fritz Dorvilier, lors d'une étude qu'il a publiée en décembre 2023, les citoyens ont tendance à ne pas recourir à la justice en cas de conflits ou de violation de leurs droits. Bien que, selon lui, il y ait en Haïti une présence criante d'injustice sociale et de violences. Ainsi, le manque de confiance dans les institutions judiciaires haïtiennes, souligne le professeur de l'université d'État d'Haïti, est la principale raison qui explique ce faible taux de recours des compatriotes haïtiens à la justice haïtienne.
Bernard Cayo
Source :
https ://journals.openedition.org/étudescaribeennes/29250
Haïti : le mois de janvier a été le plus violent depuis plus de deux ans https ://news.un.org/fr/story/2024/02/1143037
https ://journals.openedition.org/étudescaribeennes/29250
https ://www.banquemondiale.org/fr/topic/poverty/publication/beyond-poverty-haiti
https ://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/Poverty %20documents/WB_Haiti_overview_FR_FINAL.pdf