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La démocratisation de la pornographie : quel impact sur les mineurs ?
De plus en plus de jeunes, sont exposés ces dernières années, à la pornographie, dont un nombre important de mineurs. Il a été prouvé qu'elle fait partie intégrante de la vie des adolescents. De nombreuses études montrent que la visualisation répétée de ces images ne reste pas sans effets sur les enfants et les adolescents qui y sont confrontés.
Les progrès liés à la technologie, sont antagonistes à de nombreuses nouveautés, mettent des projecteurs sur une quantité incalculable de sujets qui autrefois étaient considérés comme tabous/sensibles. Aujourd'hui, grâce à l’Internet, point n'est besoin de poireauter pour avoir accès à une information quelconque. Il suffit d'un clic pour accéder aux résultats souhaités. L'essor du numérique est donc la source d'une grande accessibilité à toutes sortes de sujets, tant pour les enfants que pour les adultes, tel est le cas pour la pornographie.
Historiographie de la pornographie ?
Étymologiquement grecque, la pornographie vient du nom pornê, qui désigne des prostituées, et du verbe graphein, qui fait référence à l'acte d’écrire ou de représenter. La pornographie serait donc la représentation directe, voire brutale, de scènes, de sujets à caractère sexuel et délibérément obscènes qui sont destinées et présentées à un public sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, entre autres.
La pornographie remonte à l'antiquité où les Romains, les Indiens, les Grecs, les Perses et d'autres peuples représentaient par la peinture, la sculpture et l'écriture, des images à fort caractère sexuel. Toutefois, à cette époque-là, la sexualité était considérée comme sacrée, ce qui justifiait sa représentation fréquente, et ce, même dans les temples. Ce n'est qu'au Moyen Âge, quand l'Église occupera une place de plus en plus importante dans les sociétés, que la sexualité deviendra un sujet tabou.
Toutes ces restrictions vont donner naissance au XVIIIe siècle à la littérature libertine, où certains auteurs vont se donner la liberté d'écrire sur la sexualité. Tel est le cas de Diderot qui écrivait de manière codée et du Marquis de Sade qui, de son côté, décrivait une sexualité plutôt violente, brutale, allant même jusqu'à la mort certaines fois.
Après la Première Guerre mondiale, les sociétés se libèrent peu à peu et la pornographie commence à émerger. Avec l'avènement d'Internet, la pornographie connaîtra un essor remarquable et perd par la même occasion son côté discret. Ainsi, elle devient à la portée de tous, y compris les enfants et les adolescents.
John Kersind Justafort, psychologue et psychosexologue clinicien, définit de son côté la pornographie comme une représentation imagée d'un acte sexuel avisé, qui a pris naissance dans un but éducatif.
« Des gravures, des papiers russes sur lesquels étaient représentés des actes sexuels, le Kamasutra qui est un manuel très ancien, sont des supports qui autrefois étaient utilisés dans le cadre de l'initiation des gens à la vie sexuelle », ajoute le psychologue. « Ces représentations imagées de la sexualité au fil des années sont de plus en plus érotisées et servent à satisfaire les fantasmes réalisables ou non de ceux qui les regardent. C'est pourquoi la pornographie s'écarte de plus de la réalité, puisque les fantasmes ne sont pas réels », poursuit le psychosexologue un peu plus loin.
Les mineurs et la pornographie
Ces dernières années, les enfants et les adolescents font très tôt l'usage d'appareils intelligents, passent beaucoup de temps sur Internet, sur les réseaux sociaux principalement, et sont de ce fait très exposés à des contenus à caractère sexuel pouvant avoir des effets néfastes sur eux. Selon un sondage réalisé par Le Figaro, il a été démontré qu'un enfant sur sept a vu son premier film pornographique entre 11 et 12 ans et même plus jeune certaines fois. Selon une étude réalisée en France en 2022 auprès de 25 000 panélistes, il s'avère que 2,3 millions de mineurs, soit 30 %, ont consulté des sites pornographiques en 2022.
Certains jeunes sont confrontés à des contenus pornographiques en ligne volontairement, d'autres involontairement, ce qui fort souvent résulte notamment des fenêtres « pop-up ». Les raisons qui portent les jeunes à consommer la pornographie de manière intentionnelle sont multiples. Une catégorie s'y adonne pour effectuer des recherches d'informations d'ordre sexuel, d'autres s'en servent pour se divertir ou pour avoir une certaine excitation sexuelle.
Impacts sur les mineurs
Que l'exposition à la pornographie soit faite de manière accidentelle ou intentionnelle, elle peut avoir de graves conséquences sur ceux et celles qui en ont consommé.
« De nombreuses recherches démontrent que la vue d'un acte sexuel est traumatisante pour un enfant », rappelle le psychologue. « Et c'est l'une des raisons pour lesquelles il y a des restrictions sur l'âge, lorsqu'il est question de matériels sexuels », précise-t-il plus loin.
John Justafort affirme que l'exposition à tout acte sexuel laisse des séquelles chez l'enfant qui y est exposé. « Lorsqu'un enfant grandit dans un espace où il assiste à des scènes sexuelles, des comportements agressifs peuvent surgir, l'enfant peut devenir impulsif, avoir à l'avenir des comportements sexuels inappropriés, tenir un langage grossier allant jusqu'à poser des violences à caractère sexuel sur des enfants de son âge », déclare le psychosexologue clinicien lors d'une interview accordée à Banj.
Comme dit tantôt, la pornographie présente aux jeunes une vision biaisée de la sexualité. Ce que les images pornographiques dévoilent aux jeunes est complètement détourné de la réalité. Bazile Junior, étudiant en optométrie, confie à la rédaction de Banj Média avoir regardé son premier film pornographique à l'âge de 12 ans. " Ce que je venais de visualiser ce jour-là était on ne peut plus choquant pour moi. Je trouvais que c'était d'une laideur remarquable, car jamais je n'avais imaginé les rapports intimes de cette façon", raconte-t-il. Il poursuit en disant que : " Depuis le moment que j'ai regardé cette vidéo, je promenais avec moi des étiquettes stéréotypées que j'accolais sur chaque femme que je rencontrais, puisque je ne pouvais me sortir ces images de la tête. Je pensais que toutes les femmes faisaient pareil, tout comme dans la vidéo et je trouvais cela très moche".
Cette construction tronquée relative à l'imaginaire sexuel entraîne de son côté de multiples dommages. Certains nourrissent les préjugés sur leur corps, d'autres pensent qu'avoir une relation sexuelle, c'est l'affaire d'une quantité remarquable d'heures ; il y a aussi ces jeunes qui redoutent leurs premières relations sexuelles par peur de ne pas être à la hauteur. L'exposition systématique à la pornographie peut entraîner une sorte de manque d'estime de soi.
Après sa mauvaise expérience avec les images X, Bazile raconte avoir recommencé à en regarder et à y prendre du plaisir cette fois. " C'est quelque temps après ma puberté, en classe de seconde, que j'ai de nouveau regardé un film pornographique, après avoir eu une discussion avec des potes sur les bienfaits de la masturbation suite à la visualisation d'un porno. J'ai effectivement essayé, je me suis masturbé pour la première fois, et après avoir pris connaissance du bonheur intense que cela procurait, je ne m'en suis plus passé. Et je faisais en sorte de rentrer de l'école très tôt, quand il n'y avait personne à la maison, pour pouvoir regarder tranquillement du porno pour ensuite me masturber ", confie Bazile.
Pour John Kersind Justafort, psychologue et psychosexologue clinicien, l’addiction à ces contenus est un risque à tous les niveaux, affectant ainsi leur fonctionnement social et leur santé psychologique.
Il poursuit tout en soulignant que la pornographie est aussi à la base de comportements sexuels précoces. Cela amène selon lui les mineurs à entamer une vie sexuelle prématurément, ce qui peut conduire à une hypersexualité très contre-productive pour leur santé mentale.
De plus, lorsque les enfants et les adolescents s'adonnent à la pornographie, cette dernière a tendance à servir de substitution à l'éducation sexuelle. Or, en aucun cas, la pornographie ne peut remplacer l'éducation, puisque celle-là ne représente pas la réalité correctement. La théorie de la modélisation et de l’apprentissage social soutient que les enfants apprennent par imitation. Leurs neurones miroirs sont extrêmement sensibles à l'enfance et tout ce qu’ils observent produit un effet sur eux.
En résumé, il faut dire que la pornographie, tout en mettant en exergue une image fausse de la sexualité, est utilisée comme principale source d’information sur la sexualité, ce qui peut entraîner des conséquences assez importantes sur la vie des enfants et des adolescents qui y sont exposés. Puisque les mineurs ont une accessibilité déroutante à la pornographie, il revient aux parents de contrôler ce que les enfants consomment sur Internet. Ils doivent aussi comprendre que leur rôle est très important, voire essentiel en matière d'éducation sexuelle de leurs enfants.
Bernard Cayo
Sources
Puglia, R. & Glowacz F. Consommation de pornographie à l’adolescence : quelles représentations de la sexualité et de la pornographie, pour quelle sexualité ? 2015. Disponible en ligne sur Science Direct www.sciencedirect.com
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1297958904001080
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3413465/
https://nospensees.fr/enfants-qui-regardent-de-la-pornographie-comment-cela-les-affecte-t-il/
https://www.mon-enfant-et-les-ecrans.fr/education-sexuelle-sur-internet-bonne-ou-mauvaise-idee/
https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2012-2-page-61.htm
https://www.cairn.info/revue-adolescence-2005-1-page-89.htm
https://www.senat.fr/rap/r21-900-1/r21-900-12.html
https://hal-lirmm.ccsd.cnrs.fr
https://journals.openedition.org
https://www.filsantejeunes.com/histoire-de-la-pornographie-12430
https://actualites.uqam.ca/2020/pornographie-sous-tous-ses-angles/