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La Journée Mondiale contre le Cancer et les défis de la lutte en Haïti
Le cancer représente aujourd’hui l’une des principales causes de décès dans le monde. Malgré les avancés technologiques qui ont été effectués ces 25 dernières années, le défi reste de taille pour les pays développés, très complexe pour les pays les plus pauvres comme Haïti; où les cancers du sein, du col de l’utérus, du côlon et de la prostate sont les plus souvent diagnostiqués.
La journée mondiale du Cancer est instituée le 4 février 2000 au Sommet International Contre le Cancer tenu à Paris. Elle est une initiative de l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC). Comme le précise le site worldcancerday.com « Cette journée vise à sensibiliser davantage, à mener des initiatives pour parvenir à réduire le fardeau mondial qu’est le cancer ».
Selon les données publiées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2020, la prévalence mondiale du cancer a avoisiné les 20 millions, avec près de 10 millions de décès. A l’occasion de la 25ème journée mondiale de la lutte contre le cancer, Banj Media a eu un entretien avec deux médecins haïtiens. Le Docteur Bernard Junior Joseph, également spécialiste en maladies infectieuses, et le Docteur Jean Cantave, président de la Société Haïtienne d’Oncologie (SHONC), qui existe depuis le 27 janvier 1997.
Comment se forme le cancer?
Le cancer peut être une maladie génétique, formée à partir d’une simple lésion qui prend naissance au niveau des cellules lors du processus de régénération cellulaire, connue sous le nom de mitose, selon les explications du Docteur Cantave. Lorsque l’organisme ne parvient pas à réparer cette lésion, elle évolue jusqu’à la prolifération, on est alors au stade du cancer in situ. Lorsque ce cancer parvient à traverser la membrane basale, on parle alors de cancer infiltrant ou invasif.
Il existe également le cancer sporadique, qui survient dans 90% des cas, donc qui n’a pas de base génétique. Ce type de cancer peut être lié à des facteurs de risques tels que l’alcoolisme, le tabagisme, le surpoids ou l’obésité, la mauvaise alimentation avec trop de calories et de graisses, le manque d'activités physiques et la sédentarité, comme le précise le Docteur Bernard Joseph.
Le cancer du sein, un combat pour les femmes
Depuis 2020 le cancer du sein est devenu le plus fréquent au monde, nous informe le président de la SHONC. Plus de femmes sont sensibilisées et se font dépister, ensuite beaucoup de pays ont des programmes de lutte contre le cancer incluant le dépistage. D’autre part, les pays développés ont établi un consensus pour encourager toutes les femmes à partir de 18-20 ans à faire l'autopalpation. En effet, c’est exercice basique permettant de détecter la présence d'éventuelle masse au niveau du sein, qui peut être liée à l’existence d'un cancer mais pas dans tous les cas.
« Entre 20 et 39 ans, l'autopalpation doit se faire régulièrement une semaine après les règles avec une évaluation médicale tous les trois ans. Si la femme est ménopausée, elle choisit une date pour faire la palpation mensuellement. Si une femme a des antécédents familiaux, il est recommandé qu'elle effectue une mammographie bien avant ses 40 ans. Mais en général, à partir de 40 ans, la mammographie est recommandée tous les 2 ou trois ans. À partir de 50 ans, elle doit se faire chaque année », précise Docteur Cantave.
« Ces dispositions ont permis de réduire le taux de mortalité dû à un cancer du sein de 2 à 5% » ajoute-t-il, soulignant que la mammographie a beaucoup évolué « on est passé de la méthode conventionnelle à la mammographie digitale et aujourd'hui on est au stade de la tomosynthèse qui est encore plus efficace dans la détection du cancer. »
D’autres types de cancer fréquents en Haïti et comment les dépister?
Pour le cancer du col de l’utérus, le vaccin anti Papillomavirus Humain (HPV) réduit au maximum le risque de le développer. Docteur Cantave explique que « Depuis l’année 2021 en France, il est obligatoire de vacciner les garçonnets de 9 à 12 ans contre le HPV », il recommande également à toute femme ayant une vie sexuelle active de faire le pap test chaque année pendant trois ans et si tout est correct, de procéder une fois les tous deux ou trois ans.
« Dans le cas du cancer du côlon, s’il n’y a aucun facteur de risques, à partir de 50 ans, toute personne devrait procéder au test de la Recherche de Sang Occulte dans les Selles (RSOS). Si ce test est positif, on procède alors à la coloscopie pour chercher la présence des polypes qui sont des petites masses qui peuvent conduire à un cancer. Pour le cancer de la prostate, à partir de 50 ans, on procède au test de l’Antigène Spécifique de la Prostate (PSA), si le taux est élevé on doit approfondir les recherches pour détecter d’éventuels liens avec le cancer » explique monsieur Cantave.
Guérir le cancer, comment s’y prendre?
On peut avoir un cancer à n'importe quel âge, mais dans le cas du cancer du sein, avant les 30 ans le risque est moins de 2%, et beaucoup plus élevé entre 45 et 55 ans, d'après Docteur Cantave. Il précise que « selon les constats, 70% des cancers du sein ont un lien avec l'œstrogène. Plus la durée entre les premières règles (ménarche) et les dernières règles (ménopause) est étendue, plus le risque d'avoir un cancer du sein est élevé. Ce risque persiste même après la ménopause ».
Le traitement du cancer est multidisciplinaire, il y a la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie, l’hormonothérapie et l’immunothérapie. C'est aussi un traitement personnalisé car il peut être différent pour chaque patient. Il dépend du stade et du grade du cancer. Ainsi, la possibilité de guérir du cancer est plus élevé quand le stade (c'est-à-dire le degré d'extension ou de propagation au sein de l'organisme) est moins avancé, qu'il ne faut pas confondre avec le grade qui est le degré d’agressivité du cancer (le grade 1 étant le moins agressif et le grade 3 le plus agressif).
Le cancer est aussi une maladie qu’on peut éviter, c’est ce que nous explique Monsieur Bernard Joseph, qui travaille sur le cancer depuis 9 ans en Haïti « Il faut agir sur les facteurs de risque c’est-à-dire éviter de fumer, éviter l’abus de l’alcool, pratiquer le sport, avoir une bonne alimentation, éviter la sédentarité, éviter le plus que possible de s’exposer à la pollution. Pour les personnes qui ont des antécédents familiaux en lien avec le cancer, il est important de se faire évaluer régulièrement, et effectuer des tests de dépistage périodiquement. »
Haïti, très loin des progrès réalisés mondialement
Le cancérologue Jean Cantave se réjouit des progrès qu'il y a eu dans le traitement du cancer au niveau mondial. Mais en Haïti, la réalité est complexe « La fuite des professionnels, le problème de la recherche médicale et de l’investigation, et le facteur économique car après le diagnostic, les gens n'ont pas les moyens pour suivre les traitements, ces éléments compliquent la tâche en Haïti ». Il déplore qu'Haïti soit l'un des rares pays sans la couverture d'une assurance universelle.
Du côté de la SHONC, il y a des efforts dans la promotion de l'éducation pour la prévention, le dépistage et le diagnostic précoce. En ce sens, « Le mois de mai est décrété par la SHONC, comme mois de dépistage des cancers du sein, et du col de l'utérus ». Cependant, le Docteur reconnaît que le gros du travail est celui de l’État haïtien « Au niveau de la SHONC, on prône que l’État haïtien mette en place un programme national de prise en charge et surtout de dépistage du cancer ».
Prévenir ou guérir le cancer, est avant tout un exercice qui doit se baser sur l’éducation et la sensibilisation comme le précise les deux professionnels. D’autre part, Haïti est encore loin des avancées médicales et technologiques essentielles dans la lutte contre le cancer, mais, il faudra tôt ou tard s’aligner dans cette lutte.
Merck’n Sley Suprême Jean-Pierre