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Le marché de l’emploi, un terrain miné par les harceleurs
En Haïti le chômage constitue le principal ennui de la majorité des jeunes en âge de travailler. Ces derniers, en plus de s'intégrer difficilement à la vie professionnelle, se trouvent confrontés à la mauvaise pratique du harcèlement sexuel et des propositions indécentes au travail.
Le harcèlement sexuel est avant tout une vanne, qui peut déboucher sur des comportements très graves comme les agressions sexuelles, les exclusions sociales et même la violence à l'état pur. Pour la victime, il peut engendrer de grandes souffrances physiques et mentales sur le long terme. Les gens n'ont pas tous le même seuil de tolérance, de ce fait vivre avec le harcèlement peut être source de profonde dépression chez la victime conduisant parfois au suicide ou au crime.
Dans le milieu professionnel, le rapport hiérarchique doit être entretenu de telle sorte qu'il n'y ait ni exaction, ni aucun autre comportement d’abus comme le prescrivent en général, les principes d'éthique. Les relations verticales ou hiérarchiques (entre responsables et employés) et horizontales ou collaboratives (entre employés du même ordre) doivent être saines. Néanmoins, les institutions font face très souvent, au sein de leur équipe, à des comportements à caractère sexuel et abusifs, préjudiciables à leur bon fonctionnement.
L’Organisation Internationale du Travail désigne l'expression « harcèlement sexuel », comme un comportement d'ordre sexuel, qui est intempestif et insultant pour le destinataire. Selon l’OIT, pour qu'il y ait harcèlement sexuel, deux conditions ou deux formes du harcèlement doivent être réunies. La contrepartie, qui est l’octroi d’un avantage professionnel comme une augmentation salariale, une promotion ou un maintien dans l'emploi, si la victime accepte des relations sexuelles; ou les conditions de travail hostiles, qui exposent la victime à l'intimidation ou à l'humiliation.
Il existe en effet plusieurs raisons pour lesquelles les gens ne dénoncent pas le harcèlement au travail. L'une d'entre elles, c’est la peur de perdre leur emploi. Catherine a 25 ans, elle nous explique qu'elle est celle qui prend soin de sa famille. En janvier 2023, elle commence à détecter un comportement inhabituel de son supérieur hiérarchique. « Il me félicitait de plus en plus de ma beauté, ce qui me rendait inconfortable. Ensuite il a ajouté les taquineries sur mes fesses. J'ai pensé à lui dire stop, mais j'ai pensé à son influence et à mon emploi. Un jour il a commencé à m’inviter à sortir, c'était devenu insupportable, mais j'ai gardé le silence jusqu'à ce que j'obtienne un transfert…» a-t-elle expliqué.
La peur des représailles est aussi un facteur pesant contre la dénonciation des actes de harcèlement. Julie était secrétaire dans une institution à Port-au-Prince, elle a vécu un cauchemar les trois derniers mois qu'elle a passé en poste avant de voyager vers les États-Unis. « Le directeur même qui demandait aux employés d'être éthique, il n'a pas cessé de me déshabiller du regard quand je venais au bureau. Il cherchait tous les moyens pour attirer mon attention. Quand je lui dis de cesser ces comportements, il menace de me pourrir la vie. Dans ce pays, on ne sait jamais de quoi les gens sont capables » déclare-t-elle.
La peur d'être jugée ou d'être mal compris est également un élément qui n’encourage pas les gens à dénoncer le harcèlement dont ils sont victimes. Ainsi, certains tentent de dissimuler leur malaise. C'est le cas de Robert « Je suis père de deux filles de 21 et 23 ans, je ne vois vraiment pas comment elles comprendront quand je leur dirai que des filles de 25 ans me harcèlent. Pourtant c'est réel, les jeunes filles de nos jours sont agressives, elles se croient tout permettre. Quand je me sens inconfortable, je me tourne en dérision, je tente de plaisanter sur la situation, mais ça fait mal…» se plaint-il.
Le harcèlement sexuel n'existe pas uniquement pour les employés, mais également pour ceux qui sont en quête d'emploi. Certaines fois le harcèlement est la plus grande condition pour décrocher un poste, indépendamment des compétences. Sherly a connu plusieurs expériences de la sorte, elle nous raconte « Après le terminal, j'ai décroché un diplôme en pâtisserie. Une entreprise recrutait et je me suis présentée. Après les épreuves et les entretiens, 5 filles ont été sélectionnées. Le patron nous a clairement fait savoir qu'il ne recrute que de nouvelles petites amies, et m'a déclaré que j'ai un beau petit cul. De ce fait, je suis qualifiée d'office. J'étais choquée, je suis immédiatement rentrée chez moi ».
Pourtant, comme le fait remarquer l’OIT, le harcèlement en milieu professionnel est truffé de conséquences négatives et irréversibles. Pour les victimes, les souffrances sont avant tout psychologiques (humiliation, manque de motivation, perte de l'estime de soi), l’isolement et la détérioration des relations. Les maladies physiques et mentales liées au stress, peuvent surgir comme la toxicomanie et l’alcoolisme. Au pire des cas, les victimes renoncent à leur carrière, quittent leur emploi ou se suicident.
Le défaut de discernement, le travail d'équipe compromis, la démotivation, l’absentéisme peuvent être à la base d'une diminution de la productivité de l'entreprise. Le harcèlement accroche une mauvaise image à l'entreprise et crée un manque de confiance et d’esprit d'équipe qui empêche le progrès et l'innovation. La société n'est pas épargnée puisqu'il faut penser à réadapter et réintégrer les victimes, leur fournir un appui social pour pallier leur chômage et la réduction de leur capacité de travailler. Le harcèlement diminue l’accès des femmes aux emplois supérieurs et bien rémunérés, où traditionnellement les hommes prédominent.
Lutter contre le harcèlement sexuel dans le marché de l'emploi, passe avant tout par la sensibilisation sur la portée réelle de ces actes qui sont, dans l'apparence, de faible ampleur. Un milieu professionnel sain, guidé par une bonne éthique, est un atout pour la bonne marche et la prospérité de toute institution.
Merck’n Sley Suprême Jean-Pierre