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Aussi altruiste soit l’engagement bénévole, certains ne cherchent qu’à tirer leurs propres profits. Allant des leaders aux membres, les activités sont souvent entreprises à des fins personnels en Haïti. De plus, des membres subissent notamment l’exploitation, les pressions sociales et des difficultés économiques.
Si nombre de jeunes font l’éloge du bénévolat pour ses contributions positives, beaucoup estiment, par ailleurs, que l’expérience peut être parsemée d’embûches. En fait, le bénévolat offre beaucoup d’opportunités et d’avantages. Cependant, il revêt également de côtés sombres. Aussi philanthropiques que devraient être des activités bénévoles, elles ne découlent pas toujours de sentiments altruistes. « Beaucoup de jeunes rentrent dans les structures pour prendre et non pour donner. C’est pourquoi beaucoup d’organisations ne font pas long feu », estime Djenny-Flore Bien-Aimé, fondatrice de l’Association des Acteurs de Développement (AAD), interviewée par Banj Media. Une opinion partagée par Lydia Pierre Gilles, membre de la Jeune Chambre Internationale (JCI), depuis 2021. « Beaucoup de jeunes font du bénévolat à des fins personnelles pour satisfaire leurs propres intérêts, fait-elle savoir. Ils sont nombreux à intégrer des structures pour gagner en visibilité et juste pour construire leurs réseaux » déplore-t-elle dans son entretien avec Banj Media. Ce qui, selon elle, va à contre-courant des finalités du bénévolat.
« Il n' y a pas meilleur sensation que celle d’aider les gens dans des situations défavorisées, de leur apporter un brin d’espoir, de mettre un sourire sur leurs lèvres. Pour moi, c’est l’objectif premier du bénévolat » pense Lydia qui dit se sentir ainsi utile et valorisée à travers ses activités bénévoles. Cependant, elle critique le fait que des jeunes ne pensent qu’à satisfaire leurs intérêts alors que d’autres font profil bas quand ils entreprennent des activités au service de la communauté. Cela casse le rythme, selon elle. Si Lydia pointe du doigt ces jeunes bénévoles, Djenny-Flore critique des leaders eux-mêmes. Selon elle, ils sont beaucoup à vouloir toujours se mettre au devant de la scène sans donner du crédit aux membres. « Souvent, ceux qui sont les plus actifs et les plus travailleurs sont mis en second plan et les leaders reçoivent tous les honneurs et mérites, même lorsque ce sont les jeunes membres qui font tout le travail », déplore Djenny-Flore. Pourtant, il suffirait de leur donner le crédit et/ou d’honorer leur travail, ce qui leur donnerait plus de motivation.
Par ailleurs, si le bénévolat est un acte altruiste, ce n’est pas un mal de se fixer des objectifs personnels, d’après Djenny-Flore. D’ailleurs, pour la jeune capoise, avant même d’intégrer une structure, il faudrait se fixer des objectifs personnels et définir un plan. C’est ainsi que les jeunes pourront évaluer si les organisations correspondent à leurs vision et objectifs, voire à leur domaine de prédilection. « Je conçois mal une structure dont les objectifs, missions et responsabilités ne sont pas clairement définis », confie-t-elle. « Les structures ne devraient pas faire appel aux jeunes uniquement quand il y a des activités mais elles devraient permettre à ces derniers de faire des expériences et de développer leurs capacités, notamment dans l’exercice d’une fonction, dans un poste », ajoute-t-elle. Pour ce faire, elle pense que les structures devraient avoir une base de données avec les profils des jeunes pour mieux les orienter et les aider à faire des expériences. « Pourtant, certains leaders n’offrent même pas aux jeunes la possibilité de développer leur leadership. Ils veulent être les seuls à prendre les devants, sauf parfois pour des activités sans grande envergure ».
Toutefois, si des organisations n’engagent pas assez leurs membres, d’autres vont même jusqu’à les exploiter. « Certaines organisations abusent des jeunes, les font faire des travaux qui devraient être rémunérés et ce, de manière constante », partage Harry Emstrong Jacques, jeune activiste social, membre de plusieurs structures. Une réalité que Djenny-Flore dénonce également. « Certains leaders utilisent les membres de leur structure pour faire tout le sale boulot et quand ils gagnent de l’argent, cela ne vient qu’à leur compte. Personne ne sait comment sont utilisés les fonds. D’ailleurs, beaucoup n’ont même pas de trésoriers ». En même temps, beaucoup de jeunes membres sont en instabilité financière, surtout ceux qui jonglent entre études et activités bénévoles. En effet, nombre de leaders construisent leur fortune grâce à l'engagement des jeunes. Pourtant, ils profitent d'eux sans penser à les gratifier ou quand ils le font, c'est en leur donnant une faible somme. Alors que d’autres pensent même qu’ils gagnent de l’argent et font des profits à partir de ces activités. « Une fois, je m’étais rendue dans une zone avec une structure pour effectuer des activités bénévoles. Les gens pensaient que j’y gagnais de l’argent et j’ai même reçu des menaces de certains gens de la zone », confie Cassandrine Destima, jeune activiste sociale, à Banj Media.
Les pressions viennent aussi fort souvent des proches. « Parfois, les membres de la famille et d’autres proches voient le bénévolat comme une perte de temps. Beaucoup critiquent le fait que je sois toujours dans des activités alors que cela ne me rapporte pas d'argent », confie Harry. Cela se comprend d’ailleurs. Certaines fois, les dépenses viennent d’eux-mêmes alors qu’ils n’y gagnent aucune ressource matérielle ni financière. Par ailleurs, le bénévolat est souvent perçu comme une activité chronophage. D’où les critiques et pressions des proches aux jeunes bénévoles pour ce train de vie. Ils doivent aussi apprendre à ne pas laisser cette expérience empiéter sur leurs études. Sinon, ils risquent de compromettre leur propre équilibre, voire leur bien-être. En tout cas, outre les nombreux aspects négatifs du bénévolat, cet engagement est à prendre à cœur. Comme le souligne Djenny-Flore, il ne faut jamais n’être qu’un figurant mais plutôt une personne engagée cherchant à atteindre ses objectifs. En outre, une fois les objectifs atteints, ne faudrait-il pas arrêter de faire du bénévolat, voire mettre un prix sur ses travaux ?
Leila JOSEPH