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Naviguer dans le labyrinthe des Réseaux Sociaux : l’impact sur la Santé Mentale des Jeunes
Les réseaux sociaux constituent aujourd'hui le portail favori dans la vie des jeunes. Ces derniers s'y attachent et y découvrent un mode de vie, une façon d'exister et d'évoluer avec des libertés que la société n’offre pas. Les liens tissés grâce aux publications, aux réactions et aux commentaires sont devenus beaucoup plus réels. Néanmoins, derrière cette communauté sociale, avec ses principes et obligations voilés ou déclarés, érigée à travers l'internet, il y a des conséquences qu'on ignore parfois, mais qui sont assez importantes pour être mises en lumière. Les réseaux sociaux parviennent à inonder la vie quotidienne des jeunes avec abondance et par ailleurs, créent un impact sur leur bien-être mental.
Dans le langage qui nous importe, parler de « réseau social » c’est parler de ces plateformes qui existent à travers internet et qui offrent la possibilité aux utilisateurs (personne ou entreprise), de se créer des identités virtuelles. Ces identités prennent part ensuite à un réseautage social à l’intérieur du monde numérique, soutenu par l’apport des contenus multimédias. En octobre 2023, les statistiques du site Datareportal font état de près de 4,95 milliards d’utilisateurs des médias sociaux, soit 61,4% de la population mondiale qui est évaluée à près de 8 milliards de personnes. Dans cette cueillette incessante d’utilisateurs, le réseau social Facebook vient en tête avec plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs par mois. D’autres statistiques publiées par Forbes indiquent que 84% des personnes de 18 à 29 ans, et 81% des personnes de 30 à 49 ans utilisent au moins une plateforme de réseau social. Ces chiffres illustrent la portée grandissante des réseaux sociaux dans le quotidien des jeunes qui sont extrêmement connectés.
Les jeunes très… ou trop connectés
Cette impression d'une immersion excessive dans les médias sociaux se confirme à travers d’autres chiffres les uns plus alarmants que les autres. En effet, une enquête réalisée en 2023 révèle que 51% des adolescents américains passent au moins 4 heures par jour sur les réseaux sociaux. On retrouve des jeunes complètement exposés à une pression constante qui les oblige à ressembler ou à se conformer à ce que cette grande communauté en ligne stipule comme règle. Ils se battent pour correspondre aux normes de beauté et de réussite mises en exergue par les influenceurs ou par d’autres influencés comme eux. Les réseaux sociaux sont ainsi devenus des vitrines de mode et de comportement. Cette pression ne génère pas qu'une simple envie de porter les mêmes habits que les autres ou de se coiffer comme eux, mais elle parvient même à entraîner des sentiments d'insuffisance et de comparaison, impactant négativement le bien-être mental.
En effet, un travail de recherche du Service de Psychologie et d’Orientation de l’Université de Sherbrooke produit en 2019, souligne que la culture de la comparaison très courante chez les jeunes sur les réseaux sociaux est risquée, car les profils virtuels auxquels les utilisateurs se comparent affichent très souvent des informations biaisées, telles des photos retouchées. Ce type de comparaison peut avoir des conséquences directes sur les avis qu'une personne a à son propre égard, cela « peut causer une diminution de l’estime de soi, en plus de contribuer à la dépression et à la diminution globale du bien-être » précise le document. L'estime de soi est un concept psychologique qui renvoie au jugement global positif ou négatif qu'une personne a d'elle-même. À côté de la comparaison, les jeunes se lancent à tout prix dans une quête, celle de la validation à travers les réactions comme les likes et les commentaires, ce qui peut devenir une source majeure de satisfaction personnelle, laissant peu de place à une estime de soi intrinsèque.
Les jeunes exposés à la cyberintimidation et à la cyberdépendance
En plus de la nécessité de se protéger contre les sentiments négatifs qu’ils peuvent émettre sur leur personne, les jeunes doivent désormais lutter contre une autre forme de pression, la cyberintimidation et le harcèlement en ligne. La cyberintimidation est un geste d’intimidation réalisé dans le cyberespace. Elle peut se produire par différents moyens de communication : réseaux sociaux, blogues, jeux en ligne, messagerie instantanée, messages textes, courriels, etc. Généralement associée aux jeunes, elle peut toucher des personnes de toutes les catégories d’âge. Le cyberintimidateur est souvent anonyme alors que la portée de ses actes est parfois illimitée et presque impossible à effacer. La cyberintimidation peut prendre diverses formes, qui ont toutes des conséquences néfastes pour les personnes qui les subissent. Ces actes malveillants rappellent de temps en temps que les réseaux sociaux ne sont pas sains, du fait qu’ils ne sont pas dépourvus de comportements nuisibles. La cyberintimidation et le harcèlement en ligne peuvent avoir des conséquences graves sur la santé mentale des plus jeunes, mais aussi des utilisateurs adultes, générant anxiété et dépression.
Les plateformes sociales misent beaucoup sur ce qu’ils appellent « l’engagement » des utilisateurs. Pour les réseaux sociaux ce terme a un premier sens, c’est le processus de communication et d’interaction entre une entité (marque, entreprise, influenceur, etc.) et sa communauté en ligne. Cet engagement ne se limite pas uniquement aux « entités » mais à tout utilisateur qui ajoute du contenu sur les plateformes. D’un autre côté, l’engagement désigne l'intensité avec laquelle une personne reste attachée à sa vie sur les réseaux sociaux. Cet engagement excessif peut vite se transformer en une cyberdépendance. Quand cela arrive, les effets néfastes sur la santé mentale ne sont plus très loin. En outre, la peur de manquer des actualités en ligne peut devenir pathologique. Ainsi, l’acronyme FOMO signifiant Fear Of Missing Out, c’est-à-dire la peur de rater quelque chose, est utilisé pour décrire une personne qui a peur que ses amis s’amusent sans elle. Cette personne se plonge alors dans un exercice d’imagination et se fait des pensées contrefactuelles, c’est-a-dire contraire aux faits réels. La FOMO peut avoir de nombreuses conséquences négatives sur les pensées, les émotions et les comportements des internautes.
Certains facteurs physiques comme le manque de sommeil peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale. Le manque de sommeil trouble les habiletés cognitives et rend instable l’humeur. Chez les jeunes, le manque de sommeil provoque un manque de concentration avec des impacts sur le bien-être en général. Selon la professeure et chercheuse en éducation Sally Power, l’usage des réseaux sociaux serait l’une des premières causes du manque de sommeil chez les jeunes. Selon les données d’une étude de Statistique Canada publiée en 2021, près de 47 % des Canadiens de 15 à 19 ans, 28 % de ceux de 20 à 24 ans, et entre 16 à 21 % des utilisateurs de 25 à 49 ans ont déclaré avoir perdu du sommeil en raison de leur utilisation des médias sociaux. L'utilisation nocturne des médias sociaux, qui est souvent associée à ces troubles du sommeil, affecteraient directement la santé mentale des jeunes. La fatigue accumulée peut d’un autre côté amplifier les problèmes de santé mentale existants.
Des efforts pour prévenir les dangers
Depuis la mondialisation du phénomène des réseaux sociaux, beaucoup de mesures sont prises par différents pays, mais aussi différentes instances internationales dans le but de proscrire certains dérapages ayant lieu sur les réseaux sociaux. Les organismes sont devenus beaucoup plus conscients de l’impact des réseaux sociaux sur les utilisateurs. Par exemple l’UNESCO lance depuis janvier 2021 un projet intitulé « Social Media 4 Peace » qui s’inscrit dans la stratégie globale de l'organisation visant à lutter contre la désinformation en favorisant l’information comme bien public et en renforçant la transparence de l’écosystème de l’Internet. Une étude publiée dans la revue spécialisée « Frontier in Psychology » a démontré que les adolescents sont plus susceptibles de faire confiance aux fake news. Mettre les réseaux sociaux sur la table des discussions institutionnelles et juridiques témoigne de l’importance et du poids croissant que ces communautés parviennent à exercer sur leurs utilisateurs. Même si ces derniers utilisent des profils virtuels comme on l’a mentionné au début, les conséquences de leur mésaventure influent sur leur vraie personnalité. En France, la loi du 7 juillet 2023 vise à instaurer une majorité numérique à 15 ans, avec pour objectif de mieux contrôler la présence des plus jeunes sur les réseaux sociaux et de lutter contre le cyberharcèlement.
Les responsables des différentes plateformes sociales sont dans le viseur des instances internationales. Ces dernières tentent de redresser la barre face à un phénomène dont la portée globale ne cesse de grandir. La majorité des travaux liés à l’utilisation des réseaux sociaux donne lieu à des mises en garde sur le respect de la vie privée et du respect des mineurs, comme la loi Children's Online Privacy Protection Act (loi relative à la protection de la vie privée des enfants en ligne) aux Etats-Unis. Cependant beaucoup d’autres démarches visent désormais des stratégies pouvant aider à purifier le type de contenus disponibles sur les réseaux sociaux. Hormis les exigences gouvernementales et internationales faites aux gestionnaires de ces communautés sociales, certains réseaux sociaux établissent des règles qui permettent de limiter certains dérapages sociaux. Les plateformes sociales mettent en œuvre diverses initiatives pour créer un environnement en ligne plus sûr. Cependant, l'efficacité de ces mesures reste sujette à débat.
Plusieurs pistes de solutions existent
Au Canada, une étude du Technology Mind & Behaviour réalisée en 2023, a révélé qu’une limitation du temps passé sur les réseaux sociaux à 30 minutes contribuerait à réduire les sentiments comme l’anxiété, la solitude auprès des jeunes universitaires. Ces derniers aborderaient la vie avec plus d’optimisme. La professeure Caroline Fitzpatrick, experte de l'Université de Sherbrooke titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’utilisation des médias numériques par les enfants, indique que cette étude permet vraiment de démontrer que la réduction du temps consacré aux réseaux sociaux peut aider à l'amélioration du bien-être psychologique des jeunes. Cette même étude soutient que d’une manière générale, réduire à 30 minutes son temps d’utilisation des réseaux sociaux peut largement contribuer à réduire les troubles psychiques qui en découlent. Des pauses numériques et une autorégulation peuvent contribuer à préserver la santé mentale. Certaines plateformes de réseau social telle que Tiktok, Instagram, Threads, Snapchat mettent au point des fonctionnalités qui permettent aux utilisateurs de limiter leur temps d'écran ou de mettre en sourdine leurs notifications.
Cerrtains pays d’Europe, le Canada, les États-Unis et certaines instances mondiales comme les Nations Unies, lancent des initiatives qui plaident en faveur d’une éducation numérique soutenue. La Child Online Protection est une démarche de l’organisation mondiale pour promouvoir la sensibilisation pour la sécurité des enfants dans le monde en ligne et pour développer des outils pratiques pour aider les gouvernements, les entreprises et les éducateurs. Les simples mises en garde semblent ne plus suffire pour affronter les grands défis liés à l’utilisation des réseaux sociaux chez les jeunes. L'éducation adaptée et efficace peut jouer un rôle crucial dans l'autonomisation des jeunes face aux défis auxquels ils sont confrontés sur les médias sociaux. Les programmes de sensibilisation visent entre autres à promouvoir l'éco responsabilité avec pour objectif d’impacter positivement le comportement des jeunes utilisateurs sur les plateformes.
Les réseaux sociaux présentent donc une double facette. Les avantages psychosociaux sont nombreux, les statistiques récentes montrent que 48,7% des personnes utilisent les réseaux sociaux pour préserver les liens familiaux et amicaux. Même auprès des plus jeunes, ces données ne varient presque pas. Les limitations sociales se sont nettement diminuées, les frontières se sont amincies et aujourd’hui l’aspect du monde comme village global est plus que jamais envisageable. Les jeunes parviennent également à développer leurs aptitudes créatives. Toutefois, la poursuite démesurée de ces avantages peut poser des défis sérieux pour la santé mentale des jeunes. Il est convenable de plaider pour l’adoption d’une approche équilibrée tout en éveillant la conscience numérique pour ne pas compromettre le bien-être mental, plus coûteux que les innovations technologiques.
Merck’n Sley Suprême Jean-Pierre