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Plus libres, mais plus surveillés : la face cachée des réseaux sociaux
Les réseaux sociaux ont révolutionné la manière dont nous communiquons et partageons l'information. Ils nous offrent une plateforme pour exprimer nos opinions, nous connecter avec des amis et découvrir de nouvelles idées. Cependant, cette liberté s'accompagne d'un revers : nous sommes surveillés par les plateformes, les entreprises et même les institutions.
Techniquement, c’est un secret de polichinelle, pour surfer sur Internet il faut à chaque utilisateur des coordonnées techniques précises connues sous le nom d’Internet Protocole (IP). Cette adresse, attribuée à chaque périphérique connecté sur internet, est identifiable et traçable partout où un utilisateur se trouve, avec des complexités variables. Et quand il s’agit des réseaux sociaux, le travail est moins complexe, car ce ne sont pas des codes que vous partagez, mais des langages clairement exprimés et qui sont passés au peigne fin.
Pourquoi sommes-nous surveillés par les plateformes?
Les réseaux sociaux collectent une quantité importante de données sur leurs utilisateurs, y compris leurs opinions, leurs intérêts, leurs habitudes de consommation, etc. Pour proposer de la publicité, ils se basent sur le type de contenus que les utilisateurs mettent en avant, y compris les opinions qu’ils partagent sur leur fil d’actualité ou sous d’autres publications. Ainsi, même si une personne serait réticente à l’idée d’exposer des idées ou des contenus directement sur son fil d’actualités, ses commentaires ou réactions sont un autre moyen pour les plateformes de savoir comment personnaliser les offres destinées à l’atteindre.
En général, ces plateformes définissent les conditions d’utilisation lors de l’inscription des utilisateurs et évoquent l’utilisation de certaines données comme un moyen pour elles de grandir. Donc, elles ne cachent rien, et souvent vous avez tout accepté. Cette pratique, bien que légale, soulève des questions éthiques concernant la vie privée et la liberté de choix et d’opinion des utilisateurs. Par ailleurs, ce n’est pas seulement pour la publicité qu'on vous suit de près, vos contenus sont aussi analysés par des algorithmes pour personnaliser les publications que vous recevez.
Réseaux sociaux : une fenêtre ouverte pour les institutions
De plus en plus d'entreprises et d'institutions utilisent les réseaux sociaux pour surveiller leurs employés. Le 13 février 2016, le footballeur international ivoirien Serge Aurier publie une vidéo sur Périscope où il traite son entraîneur Laurent Blanc de “fiotte” et critique certains de ses coéquipiers. Il est pour cela sanctionné par son équipe avec de lourdes peines. La même histoire s’est produite avec l’international haïtien Duckens Nazon qui a utilisé les réseaux sociaux pour critiquer l’entraîneur Jean-Jacques Pierre. Il est sanctionné et n’est pas appelé en sélection pendant plus d’un an.
Les Services de Citoyenneté et d'Immigration des Etats-Unis d'Amérique (USCIS) ont publié le 18 septembre 2017, un amendement de leur Système de Sauvegarde des Avis (SORN). En effet, depuis cette date, les informations provenant des réseaux sociaux pour toute personne voulant immigrer ou immigrant aux États-Unis, sont stockées en cas de besoin pour des suivis nécessaires. Ces suivis, précise l'institution, visent surtout à vérifier si la personne est liée à des activités louches. Comme le lien avec des groupes terroristes, des activités frauduleuses, ou toute autre situation qui peut représenter une menace pour la sécurité nationale.
Ces informations sont des exemples qui montrent comment certaines institutions gardent un œil soutenu sur ce qui se passe à travers les réseaux sociaux, afin même de prendre des décisions. Cela est aussi vrai pour les Organisations Internationales, qui se réfèrent souvent aux profils de leurs utilisateurs afin de s’assurer que leurs valeurs ne sont pas compromises dans la manière dont cette personne s’exprime à travers les réseaux sociaux.
Cette surveillance sur les réseaux sociaux peut prendre plusieurs formes, comme la consultation des profils Facebook ou LinkedIn, la recherche de tweets injurieux ou la vérification des photos d’Instagram. Même avant d’embaucher de nouveaux employés, certaines entreprises consultent leurs profils sur les réseaux sociaux. C'est une tendance croissante qui porte le nom de «social media screening», le service étant même offert et facilité par plusieurs applications. Des institutions incluent dans leur processus de recrutement la vérification des profils Facebook de leurs candidats.
Le gouvernement Taïwanais accorde annuellement des bourses d’études à des haïtiens pour étudier à Taïwan. Dans le document de la procédure de demande de la bourse, il est demandé aux postulants de remplir un formulaire d'internaute assidu, ayant rapport avec leur profil Facebook et X (ancien Twitter) avec une série d’actions pour prouver que ce compte est effectivement en activité, lié au postulant, et est intéressé aux activités de Taïwan. D’autres étudiants ont rapporté que leurs écoles avaient fouillé leurs comptes des réseaux sociaux pour des infractions disciplinaires.
Les freelancers ne sont pas épargnés
Même dans le domaine du travail indépendant, la surveillance des réseaux sociaux est devenue monnaie courante. Avant d'accorder un contrat à un freelancer ou de conclure un partenariat avec une entreprise, de nombreux clients potentiels consultent leurs profils sur les réseaux sociaux. Cette pratique peut avoir un impact significatif sur les opportunités professionnelles et financières des individus, les exposant à un jugement potentiellement biaisé basé sur leurs activités en ligne. Ainsi, un travail peut-être refusé à un professionnel à cause de son point de vue politique.
Dany Morisset est recruteur pour un média en ligne, il nous explique comment sa structure enquête sur ses futures membres, en particulier des journalistes « De nos jours, il est tout à fait normal de savoir comment une personne se positionne sur les réseaux sociaux. Aucune entreprise ne peut s’associer à quelqu’un qui ne partage pas ses valeurs ». Pour en arriver là, il affirme utiliser des techniques qu'il juge malines. « Si on leur demande le lien de leur profil, ils pourraient peut-être nous les cacher s’ils n’en sont pas fiers, alors on leur demande juste de nous suivre à travers les réseaux et on se crée ainsi une passerelle » nous raconte-t-il.
De simples prises de position qui nous condamnent
38,5% des utilisateurs des réseaux sociaux affirment que ces plateformes sont un moyen pour eux de se divertir, sans pour autant refléter leur mode de pensée. Sauf que de l’avis de ceux qui consultent leur profil c’est une autre histoire. En ce sens, la législation sur les services numériques de la Commission Européenne plaide pour une existence numérique éthique et responsable. Par ailleurs, légalement rien n’empêche les institutions de se renseigner sur la manière dont nous nous exposons sur les réseaux sociaux.
L'utilisation des réseaux sociaux offre une apparente liberté d'expression et de partage, qui est étroitement surveillée, voire restreinte, par diverses entités telles que les plateformes elles-mêmes, les employeurs, les institutions éducatives et même les clients potentiels. Cette surveillance s'étend au-delà de la simple collecte de données à des fins publicitaires ; elle influence également les décisions d'embauche, les opportunités professionnelles et même les chances d'accès à l'éducation.
Merck’n Sley Suprême Jean-Pierre