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Ce mardi 10 octobre 2023, les députés français ont adopté un texte destiné à mieux protéger le droit à l’image des enfants. L’accent est mis sur la responsabilité des parents qui risquent de perdre leur autorité en cas d’usage abusif de ce droit.
Exposer les enfants sur internet, notamment sur les réseaux sociaux, est devenue monnaie courante depuis quelques temps. Si certains parents sont motivés par la fierté d’exhiber leurs progénitures sur internet, il n’en est pas ainsi pour tous. D’autres le font par souci de faire la course aux followers, aux likes et/ou pour générer de l’argent. Le droit à l’image des enfants n’est pourtant pas un droit absolu que détiennent les parents. D’ailleurs, en faire de l’usage excessif n’est pas sans conséquences. Cependant, une étude de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open), parue en début février, rapporte que 53% des parents français ont déjà partagé du contenu sur leurs enfants, et 43% d’entre eux ont commencé dès la naissance de l’enfant. Ce faisant, les députés français se sont montrés favorables à une proposition de loi visant à renforcer la protection de l’image des enfants.
En effet, l’Assemblée a adopté, ce mardi 10 octobre, un texte destiné à mieux protéger le droit à l’image des enfants sur les réseaux sociaux. La responsabilité des parents est mise en avant à cet effet. L’une des mesures de cette proposition de loi concerne la perte de l’autorité parentale sur le droit à l’image. Cela dit, le texte, porté par le député Renaissance Bruno Studer, prévoit une « condition de délégation totale ou partielle de l’autorité parentale en cas d’abus grave dans l’exercice du droit à l’image, sans préciser le ou les droits pouvant être partiellement délégués ». Ainsi pourraient-ils responsabiliser les parents par rapport à la diffusion des images de leurs enfants sur internet. « On ne partage pas d’images de son enfant sans qu’il ne soit pas d’accord » a plaidé le rapporteur de la proposition de loi. D’ailleurs, même en donnant leur accord, beaucoup d’enfants ne sont pas encore conscients de tous les enjeux qui découlent d’une telle pratique.
Le fait est que des parents vont jusqu’à exposer, voire violer, l’intimité et la vie privée de leurs enfants. Des associations dénoncent de tels dérives, à savoir, entre autres, les vlogs familiaux ou les télé-réalités tenus par des parents. « Les vidéos peuvent trahir le secret médical des enfants ou encore être porté sur un aspect psychologique », estime le député Bruno Studer. Ce dernier parle aussi des « canulars, les blagues faites par les parents qui mettent les enfants dans des situations humiliantes et qui sont diffusés sur les réseaux sociaux et parfois vus des millions de fois ». C’est le cas notamment du « cheese challenge » viral sur TikTok qui consiste à jeter une tranche de fromage fondu au visage d’un bébé et filmer sa réaction. En effet, nombreux sont les parents qui se convertissent en influenceurs grâce aux images de leurs enfants, quitte à poster des mises en scène parfois dégradantes. Selon des chiffres cités par les parlementaires et l’exécutif, un enfant apparait en moyenne « sur 1300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans » et « 50% des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux ».
En tout cas, l’article 4 du texte propose la création « d’une délégation partielle de l’exercice du droit à l’image lorsque les parents en font un usage détourné portant atteinte à l’enfant ». De ce fait, les compétences des parents sur la question de l’image de l’enfant seraient déléguées à une autre autorité. En d’autres termes, le parent qui abuserait de l’image de ses enfants « pourrait se voir retirer l’exercice spécifique de l’autorité parentale numérique, c’est-à-dire, ne plus pouvoir lui-même gérer l’image et la gestion numérique de ses enfants », fait savoir Charlotte Caubel, secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance. L’article 4 souligne que cette délégation de l’autorité pourra se faire « lorsque la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci » et que « le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l’exercice du droit à l'image de l’enfant ».
L’article ne prévoit donc pas une perte totale de l’autorité parentale quoique « le juge des affaires familiales peut toujours la déclarer s’il l’estime » d’après Bruno Studer. Ils la conserveront « mais en leur interdisant d’exprimer pour l’enfant son consentement à la diffusion de son image ». Toujours est-il que « si un parent n’est pas titulaire du droit à l’image de l’autorité parentale sur le droit à l’image, il ne pourra pas diffuser d’image de son enfant ». Cela dit, le parent, comme tout le monde, doit obtenir une autorisation spécifique pour diffuser une photo d’un enfant. Les parents qui ne se conformeraient pas à cette interdiction risquent les peines prévues en cas d’atteinte à la vie privée. Selon le code pénal français, plus précisément l’article 226-1, il s’agit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Il faut dire que le droit à l’image est une composante du droit au respect de leur vie privée.
Si la France se préoccupe de la violation de ces droits, il n’en est rien en Haïti. Pourtant, l’expansion des smartphones et des réseaux sociaux favorisent l’exposition des enfants. Les parents haïtiens ne sont pas moins responsables. Ils sont nombreux à mettre leurs enfants au devant de la scène sur internet. Ceux-là se font mannequins, acteurs ou tout au plus, des « stars » des réseaux sociaux. Beaucoup de comptes sont créés au nom d’enfants qui, pour certains, n’ont même pas encore l’âge autorisée pour utiliser la plateforme donnée. Certes, les plateformes offrent des restrictions ou des alternatives comme le contrôle parental mais les dérives restent patentes. De plus, il est à constater un vide juridique sur la question, quoiqu’il y ait des législations relatives au respect à la vie privée et à la dignité, entre autres. Par ailleurs, les députés français donnent le ton. Espérons que les législateurs haïtiens suivront l’exemple.
Leila JOSEPH