Banj Media, est un média inclusif et alternatif qui s’adresse aux générations connectées. À travers nos missions, nous nous engageons à fournir à notre public des informations, des analyses, des opinions et des contenus captivants qui reflètent la diversité et les intérêts de la jeunesse haïtienne.
Quand l’éducation perd sa place dans l’ordre des priorités Haïtiennes
Alors que l’éducation est un droit fondamental primé dans la Déclaration Universelle des droits de l’homme et dans la Constitution, elle est mise en second plan en Haïti. Allant de l'État aux parents tout comme les institutions, les conditions sont réunies pour que l’éducation perde sa place au rang des priorités haïtiennes.
Le pain quotidien est un luxe pour l’Haïtien, le pain de l’Instruction l’est encore plus. D’ailleurs, ventre affamé n’a point d’oreilles. Dans un pays où les besoins primaires sont insatisfaits, l’éducation s’avère être le cadet des soucis. Il n’est donc pas étonnant que le taux d’analphabétisme avoisine, depuis quelques années, les 40 %. En effet, l’écolage est une dépense de plus et de trop. Les parents prennent déjà sous leur bonnet les prix de produits de première nécessité, de transport et de logement qui ne cessent d’augmenter. Endettés et appauvris, beaucoup ne peuvent donc assurer la scolarité de leurs enfants.
Le manque d’intérêt de l’Etat Haïtien
Néanmoins, si la pauvreté des familles favorise la non-scolarisation de leurs enfants, il n’en est pas toujours ainsi. Nombre de parents croient dur comme fer que l’éducation est l’unique moyen pour les sortir du gouffre. « Bourik fè pitit pou do l repoze », répètent-ils souvent. Ceci dit, ils placent tous leurs espoirs sur leurs enfants « scolarisés » pour les enlever de la misère. S’il faut, pour cela, faire toutes sortes de travaux, le jeu en vaut la chandelle. Ils s’efforcent donc d’assurer la scolarité de leur progéniture tant bien que mal. Pourtant, l’éducation ne semble pas être prioritaire pour l’Etat Haïtien.
Un faible pourcentage du budget national est alloué à cet effet. De plus, l’UNICEF (2017) rapporte que : « l’offre éducative est principalement non-publique, avec plus de 80% des écoles appartenant au secteur non-public ». Effectivement, la pénurie d’écoles publiques est patente en Haïti. Et, les conditions d’apprentissage de beaucoup laissent souvent à désirer : sureffectif des classes, manque de matériels didactiques, environnement et structures pédagogiques inadéquats, pour ne citer que cela. Il reste certes les écoles privées mais celles-ci sont, pour la plupart, au-dessus des moyens du plus grand nombre.
Le manque d’accès à l’éducation
Le système éducatif reproduit donc les inégalités sociales. Chacun est servi suivant sa poche ; l’instruction se fait à plusieurs vitesses. Il n’est pas seulement question d’argent. L’accès à l’éducation est réduit à cause de la situation sociopolitique : Manifestations, conflits entre gangs armés, blocage des routes... Les absences aux cours sont de plus en plus fréquentes pour des élèves et étudiants, notamment ceux résidant dans des zones de non-droit. D’ailleurs, aujourd’hui, c’est le pays, précisément la capitale qui est à risque. Jour après jour, les gangs armés prennent quartier après quartier. Ce qui force des écoles à fermer leurs portes et des parents à garder leurs enfants chez eux.
Cela fait déjà quelques années que les troubles socio-politiques provoquent la réduction des jours des cours et l'allègement des programmes académiques. Au dernier trimestre 2022, la conjoncture chaotique rendait dysfonctionnels tous les secteurs d’activité. Pourtant, les activités scolaires et universitaires n’étaient guère au cœur des principales préoccupations. La rentrée scolaire, prévue pour Septembre, ne s’effectua qu’à partir de Novembre et ce, progressivement. Au moment de la rentrée scolaire en 2023, la situation était toujours critique. RFI rapporte que : « Pour se préserver de la violence des gangs qui sévissent dans le pays, de nombreuses familles haïtiennes ont trouvé refuge dans des écoles ». Ce qui rend plus difficile l’accès à l’éducation pour tous. Beaucoup d’écoles sont contraintes de fermer leurs portes suite à des menaces de bandits ou à cause de l’insécurité.
Le cadet des soucis des familles
Quand ce ne sont pas les écoles, ce sont les parents qui choisissent de garder leurs enfants chez eux. L’instinct de survie prévaut sur la volonté de s’instruire. D’autant plus qu’à chaque mouvement socio-politique, les leaders ont souvent tendance à exiger la fermeture des classes. Pour pressurer les parents, ils vont même jusqu’à leur demander d’inscrire le nom des élèves sur la plante de leurs pieds. Et, les parents, bien sûr, sont de plus en plus sceptiques. « Ma mère ne cesse de me répéter qu’il vaut mieux rester en vie que d’aller à l'école. D’ailleurs, le pays n’a pas besoin de cerveaux. Il ne fait que les assassiner, leur donner des conditions de vie pitoyables et les forcer à vivre ailleurs », confesse une jeune étudiante boursière de l’Etat Haïtien. Ce qui paraît paradoxal quand on sait que les parents ont toujours été les premiers à pousser les enfants vers le chemin de l’école. Par ailleurs, la montée du taux d’inflation est la cause de plusieurs abandons scolaires. Les besoins primaires, tels la nourriture et le logement, ne peuvent être satisfaits, ce qui rend plus difficile l’accès à l’éducation. En effet, « les enfants, pris en tenaille entre leurs conditions de vie socio-économiques précaires et l’état lamentable du milieu scolaire, décident souvent d’abandonner l’école » (OHCHR, 2011). Or, l’écolage continue d’augmenter pour sa part.
Les abandons scolaires
Il faut aussi souligner que nombre de jeunes cherchent à quitter le pays par tous les moyens. Certains entreprennent des démarches pour poursuivre leurs études à l’étranger. D’autres sont en attente de visa, résidence ou autres autorisations pour aller vivre ailleurs ; certains sont même prêts à y aller de manière illégale. Et, quand l’occasion se présente, abandonnent sans hésitation leurs études pour voyager. Le cas de nombreux jeunes qui sont dans le programme humanitaire pour les migrants, annoncé par le président américain Joe Biden, le 5 janvier 2023 et d’autres qui se réfugient au Chili, au Brésil, au Mexique, au Canada etc. Il est un fait que la conjoncture favorise les abandons scolaires. AyiboPost fait savoir que des universités de premier plan lui rapportent une baisse importante des inscriptions, dans un contexte d’immigration de masse, de départ des professeurs vers l’étranger pour cause d’insécurité, d’inflation galopante et de crise économique.
En tout cas, une chose est sûre. L’éducation comme la vie est un droit fondamental humain. Noir sur blanc, l’article 32 de la Constitution Haïtienne amendée stipule : « L’Etat garantit le droit à l’éducation. L’enseignement est libre à tous les degrés. Cette liberté s’exerce sous le contrôle de l’Etat ». L’éducation est d’ailleurs le catalyseur du développement durable du pays. Cela dit, négliger le respect d’un tel droit a ses conséquences. Tant vaut l’école, tant vaut la nation. En ce sens, cela craint pour la société de demain ainsi que pour le futur du pays. Il est vrai qu’à chaque jour suffit déjà sa peine et qu’en Haïti comme dit l’expression, « se jou nou wѐ a ki konte ». C’est pourquoi l’Haïtien tend à ne réfléchir qu’à court terme. Cependant, entre temps, la fuite de nos cerveaux s’amplifie. Le nombre d’analphabètes et d'illettrés augmente. Et, ils deviennent même nos dirigeants de demain.
Leila JOSEPH
Sources :