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Sharenting : Le prix de la surexposition de vos enfants sur les réseaux sociaux
Le sharenting est un phénomène assez courant sur les réseaux sociaux. Il s’agit, pour les parents, de publier constamment des informations et des images sur leurs enfants, le plus souvent sans leur consentement. Si la pratique paraît inoffensive, la surexposition des enfants en ligne a pourtant de nombreux risques.
Dès la grossesse, des parents prennent plaisir à rendre public des moments forts liés à leur enfant. Cette pratique s’intensifie évidemment après la naissance. Si certains ne font que partager des instants de manière non régulière, il n’en est pas ainsi pour tous. Certains parents exposent presque toutes les étapes de la croissance de leur enfant. Ses premières dents, ses premiers pas, ses débuts à l’école, ses moments de détente en famille… Tout est désormais exposé sur la toile. D’ailleurs, depuis quelque temps, plusieurs parents, en particulier des personnalités publiques, choisissent même de créer un compte ou une page au nom de leur progéniture. Ils y partagent des vidéos, des photos et tout autre détail concernant l’enfant.
Le sharenting : De quoi s’agit-il ?
Exposer son enfant sur les réseaux sociaux renvoie à un phénomène appelé « sharenting ». Il s’agit d’un anglicisme qui vient de deux mots : share (partager) et parenting (parentalité). D’après le dictionnaire Collins, le sharenting est « pour les parents, la pratique qui consiste à communiquer, à travers les réseaux sociaux, des informations sur leurs enfants de façon abondante et détaillée ». Ce terme a été utilisé pour la première fois par le journaliste américain Steven Leckart en 2012 dans le Wall Street Journal. Ce dernier voulait désigner les parents affichant des images de leurs enfants sur des plateformes numériques, le plus souvent sans leur consentement. C’est une pratique répandue à travers le monde, y compris en Haïti. Cependant, le phénomène est très risqué, particulièrement pour l’enfant.
Un bien pour un mal ?
Il n y a pas de mal à ce qu’un parent veuille exposer son enfant. D’ailleurs, cela peut être une manifestation d’amour et de fierté. Et, si par fierté, cela consiste à parler de celui-ci et montrer ses images, cela semble inoffensif. Certes, beaucoup le font, en outre, en quête de popularité, de followers et même d’argent. Toutefois, il est un fait qu'avec l’expansion des réseaux sociaux, les façons de communiquer évoluent. Par conséquent, pour exprimer leur amour et leur fierté, beaucoup font actuellement des publications publiques. Les parents ne sont pas exempts. Ils s’y adonnent également pour immortaliser des moments et garder de bons souvenirs. Néanmoins, cette tendance n’est pas sans répercussions négatives.
Les risques du sharenting
A poster leur enfant, certains parents arrivent à violer leur intimité. Ils sont nombreux à partager des images de l’enfant (presque) nu, en situation gênante ou dans des moments intimes. Les exemples sont divers : Un enfant qui prend son bain, qui se salit en mangeant, qui est dans une posture embarrassante etc. Ce sont des images qu’ils peuvent trouver « mignons » sur le coup mais qui peuvent plus tard gêner l’enfant. Celui-ci peut ressentir, par la suite, honte et gêne par rapport à de tels posts. De plus, il peut subir des harcèlements et/ou intimidations de tierces personnes, comme des camarades de classe ou autres individus ayant accès à ces contenus. Il est à souligner également que des prédateurs d’enfants, des pédocriminels et des cyberpédophiles sont nombreux sur les réseaux sociaux. Les images enfantines peuvent donc être sujettes à des utilisations malveillantes.
Cela dit, la sécurité physique ainsi que la sécurité en ligne sont mises en jeu. Des parents diffusent des contenus sans limiter la confidentialité des données. Ce qui rend celles-ci accessibles à tous. De plus, ils publient en donnant des détails confidentiels sur l’enfant : leur localisation, l’école qu’il fréquente, etc. Il s’agit d’informations qui peuvent être utilisées à mauvais escient pour nuire à la sécurité de l’enfant. En outre, beaucoup négligent le droit à la vie privée de l’enfant. Aussi partagent-ils des informations privées dans le but d’alimenter des contenus au quotidien. Pourtant, ces mêmes enfants peuvent plus tard estimer que leurs parents ont violé leur droit et/ou atteint leur intimité. Le cas notamment des parents qui décident de construire une empreinte numérique pour leur enfant à leur insu.
Faire du sharenting avisé
L’empreinte numérique concerne toutes les informations partagées en ligne par les parents sur leur enfant. Elle renvoie à son nom, sa date de naissance, ses images et autres données relatives. Des parents décident donc seuls quelle empreinte laissée pour leur enfant, sans le consentement de ce dernier. Pourtant, celui-ci pourrait préférer rester discret et ne pas s’exposer en ligne, ou tout simplement ne pas exposer certains détails. Cela peut même influencer leur e-réputation, surtout pour les enfants « influenceurs » ou « populaires » en ligne. Il est vrai que les parents sont les principaux protecteurs de leur enfant. Cependant, ils peuvent considérer l’opinion de ce dernier, conformément à l’article 12 de la la convention internationale relative aux droits de l’enfant : « Les Etats parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ».
Cela étant, les parents doivent veiller à leur protection et au respect de leurs droits, notamment en ligne. L’enfant est un être autonome, une personne à part entière dont les droits méritent d’être respectés. D’ailleurs, Haïti a ratifié la convention internationale relative aux droits de l’enfant en décembre 1994. Laquelle stipule, dans l’article 16, que « nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation » et que « l'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ». A cet égard, le sharenting doit se faire dans le respect et la préservation du droit à la vie privée, dont le droit à l’image, notamment. De plus, le parent doit adopter des mesures pour mieux protéger et sécuriser l’enfant. Enfin, le sharenting est un choix légitime qui doit cependant se faire de manière avisée.
Leila JOSEPH